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SYNTHÈSE n°1 : Éléments de droit de la responsabilité des professionnels de santé libéraux

par Rémi Pellet, Professeur à l’Université de Paris et Sciences Po Paris

Ce document ne prétend pas être exhaustif. Il vise seulement à donner au lecteur les bases du droit de la responsabilité des médecins libéraux, que ceux-ci exercent en cabinet de ville (gynécologues par ex.) ou dans des établissements de santé privés (« cliniques » où interviennent notamment des obstétriciens libéraux).

Les « liens hypertexte » permettent d’accéder aux sources des dispositions législatives et réglementaires, qui sont pour la plupart « codifiées » (inscrites au sein de différents codes, dont le code la santé publique, le code civil, le code des assurances, le code de la Sécurité sociale etc.), ainsi qu’aux décisions de justice les plus importantes.

Les contentieux mettant en cause ces professionnels de santé libéraux doivent être portés devant les juridictions judiciaires, les arrêts de la Cour de cassation faisant jurisprudence. Cependant, lorsqu’elles sont éclairantes, il faut procéder à des comparaisons avec la jurisprudence du Conseil d’Etat qui concerne les hôpitaux publics et les praticiens qu’ils emploient.

Les affaires mentionnées à titre d’exemple permettent d’illustrer le fait que les obstétriciens libéraux sont exposés à des risques contentieux « aggravés », de même que certains autres spécialistes, tels que les chirurgiens et les anesthésistes.

 

1° Les professionnels de santé doivent réparer les dommages qui résultent des fautes (article L 1142-1 du code de la santé publique, CSP) qu’ils ont commises aux dépens des patients. La responsabilité d’un médecin ne peut donc être engagée que si trois éléments cumulatifs sont réunis : une faute, un dommage, un lien de causalité certain et direct entre la faute et le dommage.

2° Cette obligation existe même lorsque ces praticiens libéraux :

  • interviennent, avec l’autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), dans des établissements de santé privés à but non lucratif (art. L 6161-9 CSP) ;
  • exercent dans le cadre de sociétés, quelles soient des sociétés civiles professionnelles (art. 4113-26 CSP et art. R 4381-25), des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (art. 4042-2 CSP) ou des sociétés coopératives de médecins (art. R 4131-12 CSP).

3° Sur la responsabilité du médecin libéral pour les fautes commises par les personnes quil se substitue ou sadjoint dans lexécution de son contrat

  • En raison du lien de subordination qui existe entre le chirurgien et l’infirmière lorsque’elle agit sous ses ordres, le praticien est responsable des fautes commises par cette dernière, quand bien même elle est préposée (salariée) de la clinique : Cass 1re Civ., 15 novembre 1955, Bull. 1955, I, n° 393. La solution a été rappelée par l’arrêt précité : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 13 mars 2001, 99-16.093, Publié au bulletin : « S’il est exact qu’en vertu de l’indépendance professionnelle dont il bénéficie dans l’exercice de son art, un médecin répond des fautes commises au préjudice des patients par les personnes qui l’assistent lors d’un acte médical d’investigation ou de soins, alors même que ces personnes seraient les préposées de l’établissement de santé où il exerce… »
  • Les médecins ne peuvent confier à des auxiliaires médicaux la réalisation d’actes médicaux qui n’entrent pas dans le champ de compétences de ces derniers : Le médecin anesthésiste est civilement responsable de l’infirmière à son service qui, en son absence, assiste le chirurgien sans avoir la qualification d’aide anesthésiste : Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 novembre 1976, 75-91.803, Publié au bulletin
  • « Le contrôle de l’anesthésiste réanimateur doit se poursuivre, après le réveil du malade, jusqu’à la reprise complète des fonctions vitales et notamment du transit intestinal, et, pour les actes exécutés pendant cette phase dangereuse, l’infirmière de la clinique agit sous l’autorité de l’anesthésiste et aux risques et périls de celui-ci.» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 11 décembre 1984, 83-14.759, Publié au bulletin

4° Les établissements de santé privés (« cliniques ») répondent aussi des dommages qu’ils ont créés

41° Les cliniques sont responsables des fautes d’organisation qui empêchent les praticiens libéraux d’intervenir en temps utile : « La circonstance que les médecins aient eux-mêmes des obligations n’est pas de nature à exonérer l’établissement de santé privé de la responsabilité qu’il encourt à raison des fautes commises dans l’organisation de son service. Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, ayant constaté que le retard du médecin anesthésiste, imputable au défaut d’organisation de la clinique, avait entraîné un manque d’oxygène pour le nouveau-né provoquant la souffrance cérébrale et ses séquelles, en a déduit que la faute de l’établissement était en relation avec l’entier préjudice de la victime. » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 15 décembre 1999, 97-22.652, Publié au bulletin

42° Les cliniques sont également responsables des fautes que leurs salariés commettent aux détriments des patients, y compris lorsque ces salariés sont des médecins et des sagesfemmes, en labsence de dépassement des limites de la mission impartie à ces préposés (Civ 1ère, 18 octobre 1960, P 1, n°72 ; Cour de cassation, Chambre civile 1, du 9 novembre 2004, 01-17.908, Publié au bulletin) ; mais cette responsabilité est transférée aux praticiens libéraux dans le cas où les salariés des cliniques (médecins, sage-femmes, infirmières par ex.) ont agi sous l’autorité et le contrôle de ces praticiens (v. infra n°15)

43° Une clinique est tenue d’informer les patientes de l’absence d’obstétriciens en permanence en salle d’accouchement : « si le médecin gynécologue pouvait prévoir la naissance d’un gros enfant, il n’y avait pas de pathologie évidente nécessitant sa présence en permanence auprès de la parturiente, ou d’antécédents laissant penser que l’accouchement serait difficile ; qu’elle a pu en déduire que [l’obstétricienne], qui donnait ses consultations à proximité de la clinique et qui avait immédiatement répondu à l’appel de la sage-femme, n’avait pas commis de faute en laissant sa patiente sous la surveillance de celle-ci » ; en revanche, la clinique était tenue d’informer la patiente qu’elle ne pouvait mettre à sa disposition des obstétriciens en permanence en salle d’accouchement, car « la clinique, liée par un contrat d’hospitalisation et de soins, est tenue à l’égard de ses patients d’une obligation de renseignements concernant les prestations qu’elle est en mesure d’assurer » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 1997, 95-21390).

44° Cumul d’une faute d’un ou de plusieurs praticiens avec une faute de la clinique dans l’organisation du service : dans une affaire concernant les graves dommages résultant pour un enfant, lors de l’accouchement, de l’absence d’intervention de deux obstétriciens, la Cour de cassation a jugé que « la circonstance que les médecins libéraux engagent leur responsabilité, au titre de l’exécution du contrat de soin qui les lie au patient, n’est pas de nature à exonérer l’établissement de santé privé de la responsabilité qu’il encourt en raison des fautes commises dans l’organisation de son service. » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 novembre 2008, 07-15.049, Publié au bulletin), le manque de rigueur dans cette organisation ayant permis à chacun des deux médecins en cause de considérer qu’il appartenait à l’autre d’intervenir et ayant conduit à une vacance totale de la permanence pendant une heure et demi au moins.

45° Responsabilité de la clinique pour les fautes commises par ses « préposés » (salariés) aux dépens d’un médecin : « S’il est exact qu’en vertu de l’indépendance professionnelle dont il bénéficie dans l’exercice de son art, un médecin répond des fautes commises au préjudice des patients par les personnes qui l’assistent lors d’un acte médical d’investigation ou de soins, alors même que ces personnes seraient les préposées de l’établissement de santé où il exerce [v. n°…], il n’en est pas de même lorsque la victime est le praticien lui-même ; il peut, en ce cas, rechercher la responsabilité de la clinique pour les fautes commises à son préjudice par un préposé de cette dernière » (Cour de cassation, Chambre civile 1, du 13 mars 2001, 99-16.093, Publié au bulletin) : dans cette affaire une panseuse, préposée de la clinique, qui était placée sous l’autorité d’un chirurgien libéral lors d’une opération et était notamment chargée de la manipulation de la table mobile d’opération appartenant à cet établissement de santé, avait écrasé le pied droit du praticien.

46° Les cliniques sont tenues à des obligations de résultat en matière d’infections nosoconomiales, de sorte qu’elles seront tenues responsables si elles ne prouvent pas qu’elles n’ont pas commis de faute, mais elles peuvent se retourner pour démontrer la faute d’un praticien

  • En application de l’article L1142-1, I, 2è alinéa CSP, « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.» ;
  • « Lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette infection» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 juin 2010, 09-67.011, Publié au bulletin
  • En vue d’obtenir un partage de responsabilité, une clinique peut se retourner contre un praticien pour chercher à démontrer sa faute : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 juillet 2011, 10-19.137, Inédit
  • Une clinique condamnée à indemniser les conséquences d’une infection nosocomiale peut appeler en garantie des médecins et un hôpital pour les fautes commises dans le traitement de cette infection : « la mise en oeuvre du traitement antibiotique à l’origine des troubles avait été rendue nécessaire par la survenue de l’infection nosocomiale dont le centre chirurgical est tenu de réparer l’ensemble des conséquences, au titre de sa responsabilité de plein droit, sans préjudice des actions en garantie pouvant être exercées à l’égard des praticiens et de l’hôpital en raison des fautes commises dans la prise en charge de cette infection» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 juin 2018, 17-18.913, Publié au bulletin
  • Même lorsquun groupement de coopération sanitaire a été conclu entre deux établissements de santé, seul celui dans lequel les soins ont été réalisés peut être responsable de plein droit de tels dommages : Arrêt n° 444 du 03 mai 2018 (17-13.561) – Cour de cassation – Première chambre civile

47° Eu égard au principe général de l’indépendance du médecin, il n’appartient pas à une clinique d’interférer dans le choix de l’anesthésiste par les chirurgiens : Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 juin 2001, 99-20086

48° La responsabilité des établissements de santé privés (cliniques), comme celle des professionnels de santé libéraux (v. n°..), ne peut être recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 juillet 2012, 11-17.510, Publié au bulletin ;

5° En matière de responsabilité civile, il ne s’agit pas pour le juge de sanctionner mais de réparer un préjudice ou dommage (les deux termes sont usuellement employés l’un pour l’autre, même si théoriquement le préjudice est le dommage qui est réparable, certains ne l’étant pas) : les professionnels et établissements de santé ne seront pas sanctionnés pour les fautes qu’ils commettent et en proportion d’elles mais ils devront indemniser les victimes pour les dommages qui résultent de ces fautes. Donc, en principe, s’il y a faute (par ex. défaut d’information sur un risque) mais qu’il n’y a pas de dommage (le risque ne s’est pas réalisé), il n’y aura pas d’indemnisation (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 janvier 2014, 12-22.123, Publié au bulletin) ; s’il y a dommage mais qu’il ne résulte pas d’une faute du praticien mais d’un « aléa thérapeutique » (Cour de cassation, Chambre civile 1, du 8 novembre 2000, 99-11.735, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 septembre 2008), le professionnel de santé ne sera pas tenu non plus pour responsable (les conséquences de l’aléa peuvent être indemnisées : voir synthèse n°2 sur la réparation des dommages) ;

6° En matière de responsabilité pénale, le juge ne cherche pas le responsable dune faute mais le coupable dune infraction : il s’agit de sanctionner la violation de l’ordre public et non pas d’indemniser un préjudice, mais une infraction pénale (contravention, délit, crime) peut ouvrir droit à une réparation s’il y a une ou des victimes qui se sont portées « parties civiles »

  • Il peut y avoir cumul de fautes de la part d’un anesthésiste et d’un chirurgien lorsqu’ils laissent le patient sans s’assurer qu’il est placé sous la surveillance d’une personne qualifiée : la Cour de cassation a ainsi jugé que « L’existence d’une faute relevée à l’encontre du médecin anesthésiste pendant la période post-opératoire n’exclut pas nécessairement l’éventualité de celle du chirurgien auquel a été confiée l’intervention. Encourt dès lors la cassation, l’arrêt [de la cour d’appel] qui, pour écarter la responsabilité du chirurgien, se borne à énoncer que le malade, dès lors qu’il avait quitté la salle d’opération, était sous l’autorité propre et exclusive du médecin anesthésiste, sans répondre aux conclusions des parties civiles qui soutenaient que le chirurgien, ayant quitté la clinique en compagnie du médecin anesthésiste, savait qu’il abandonnait le malade entre les mains d’une infirmière et non entre celles d’un médecin qualifié» : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 10 mai 1984, 83-91.174, Publié au bulletin
  • « Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000 [loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non-intentionnels, dite « loi Fauchon »] modifiant l’article 121-3 du Code pénal, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. La loi nouvelle, qui contient des dispositions favorables au prévenu poursuivi pour blessures involontaires, s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugé Doit, dès lors, être annulé l’arrêt qui, pour déclarer un médecin coupable d’homicide involontaire, retient seulement qu’il a commis des négligences ayant causé le dommage. » : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 10 janvier 2001, 00-83.354, Publié au bulletin : application des dispositions d’une loi nouvelle aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsque ces dispositions sont moins sévères que les anciennes (application « immédiate » de la loi pénale « plus douce ») ; l’obstétricien avait commis des négligences, alors que les difficultés de l’accouchement lui avaient été signalées, mais ses manquements ne constituaient pas une faute caractérisée ni une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement
  • « Les juges qui, pour déclarer un obstétricien coupable d’homicide involontaire, retiennent que les fautes qu’il a commises en utilisant des forceps sont à l’origine directe des lésions cérébrales, seule et unique cause de la mort de l’enfant nouveau-né dont le décès est survenu quelques jours plus tard malgré des soins intensifs pratiqués en milieu hospitalier, constatent par là même que ce prévenu a causé directement le dommage ». Cour de cassation, Chambre criminelle, du 23 octobre 2001, 01-81.030, Publié au bulletin ; l’obstétricien ayant fait une utilisation maladroite de forceps, effectuée en méconnaissance des règles de l’art, qui est à l’origine directe des lésions cérébrales irréversibles ayant entraîné la mort, est condamné pour homicide involontaire à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à réparer le préjudice civil ;
  • Un chirurgien est déclaré coupable d’homicide involontaire pour avoir procédé à un mauvais positionnement de l’opérée sur une table mal adaptée à l’intervention, fautes qui sont à l’origine directe du processus de détresse neurologique observé immédiatement après l’intervention, cause de la mort de la patiente survenue près de deux ans plus tard, après un épisode comateux, de multiples complications et des séquelles neurologiques ; le chirurgien a été condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d’amende, et à réparer le préjudice subi par les ayants droit : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 23 octobre 2001, 01-81.227, Publié au bulletin
  • Un médecin pédiatre libéral est déclaré coupable d’homicide involontaire en tant qu’il a commis une faute en relation de causalité directe avec le décès d’un nouveau-né qui lui avait été confié à la suite d’un accouchement difficile : le décès de l’enfant aurait pu être évité s’il avait été transféré à temps dans un service spécialisé, alors que le pédiatre n’avait porté son attention que sur les seules lésions oculaires et orthopédiques, en négligeant le risque majeur d’extension rapide de l’hématome superficiel et les complications hémorragiques qui pourraient en résulter, et en omettant de mettre en place une surveillance médicale adaptée ; le pédiatre a été condamné à 20 000 francs d’amende et à réparer le préjudice subi par les ayants droit : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 13 novembre 2002, 01-88.462, Publié au bulletin
  • Un médecin libéral spécialiste en endocrinologie métabolismes, diabétologie et gynécologie médicales doit être déclaré « coupable d’homicide involontaire », pour avoir « commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer », lorsque « consulté en urgence par une patiente présentant le tableau clinique d’un risque d’évolution vers un coma diabétique mortel », il s’est borné « à prescrire par ordonnance des examens sanguins de dosage de la glycémie» : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 12 septembre 2006, 05-86.700, Publié au bulletin ; la cour d’appel avait condamné le médecin à 6 mois d’interdiction d’exercice d’activité professionnelle et avait accordé des intérêts civils.
  • Condamnation d’un médecin anesthésiste, jugé coupable d’un homicide involontaire, pour avoir manqué à une obligation de sécurité imposée par un règlement, avoir agi avec un « manque de prudence et une certaine témérité » et avoir commis des négligences d’une gravité certaine ; au plan civil, condamnation du responsable de la clinique, par application de l’article 1383 du Code civil, in solidum avec le médecin anesthésiste, à réparer l’entier dommage, les juges du fond ayant retenu que des négligences d’organisation ont abouti à un dysfonctionnement des appareils de respiration, en relation de cause à effet avec l’intervention malheureuse du médecin anesthésiste et la mort du patient : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 7 janvier 2003, 02-83.724, Inédit
  • Condamnation d’un chirurgien libéral pour homicide involontaire, sa négligence dans la surveillance postopératoire d’une intervention trop hâtivement décidée étant la cause directe du décès d’un patient de 82 ans ; condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d’amende, et à indemniser le préjudice subi par les ayants droit : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 4 février 2003, 02-81.600, Inédit
  • Un pédiatre libéral est reconnu coupable d’homicide involontaire d’un nouveau né, et responsable des conséquences dommageables de l’infraction, pour avoir « commis une faute caractérisée entretenant un lien de causalité certain avec le décès de la victime», « en négligeant de prendre connaissance du dossier médical [de la mère] pour s’informer du contexte de la rupture prématurée des membranes et des traitements prodigués, en ne prescrivant pas immédiatement à l’enfant un traitement antibiotique que ses difficultés respiratoires et la fièvre de sa mère rendaient nécessaires, et en ne renouvelant pas la demande de transfert dans le service de néonatalité du centre hospitalier qu’il avait formulée à 12 heures 30, alors qu’ayant assisté à l’accouchement, il connaissait la particulière gravité des risques auxquels était exposé le nouveau-né » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 mai 2010, 09-84.433, Inédit ; le pédiatre a été condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende, ainsi qu’à indemniser les parties civiles à hauteur de 25 % de leur dommage.
  • Un chirurgien libéral est coupable d’homicide involontaire lorsqu’il commet « un ensemble de manquements entretenant un lien direct et certain de causalité avec le décès » et notamment quand il « fait preuve de graves négligences dans le suivi de la patiente en n’ordonnant pas d’examens complémentaires et en ne donnant pas de consignes précises alors que lui était signalée la persistance de symptômes » graves puis « en retardant le transfert » de la patiente « permettant une prise en charge » ad hoc : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 novembre 2010, 09-87.296, Inédit : le chirurgien a été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, deux ans d’interdiction professionnelle, et à réparer le préjudice subi par les ayants droit.
  • Un chirurgien orthopédiste exerçant en libéral dans une polyclinique est déclaré coupable d’homicide involontaire pour avoir commis une faute caractérisée ayant causé le décès d’un grand brûlé, sachant que ce praticien n’était pas compétent, qu’il « avait parfaitement conscience de ne disposer d’aucune compétence pour traiter un brûlé et de ce que la clinique n’était pas adaptée à la prise en charge de ce patient, [et qu’il] n’a effectué aucune démarche auprès de services ou de médecins spécialisés afin de vérifier que l’estimation des brûlures et les soins mis en oeuvre étaient pertinents » ; ainsi, « constitue nécessairement une faute caractérisée le fait pour un médecin de prendre en charge, sauf circonstances exceptionnelles, une pathologie relevant d’une spécialité étrangère à sa qualification dans un établissement ne disposant pas des équipements nécessaires » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 octobre 2012, 11-85.360, Inédit ; la cour d’appel a condamné le médecin à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et à réparer le préjudice subi par les ayants droit partie cvile.

7° Dans les hôpitaux publics, la condamnation pénale d’un praticien peut entraîner sa responsabilité civile mais pas nécessairement :

  • « La juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur la réparation des conséquences dommageables de la faute commise par un agent public et revêtant le caractère d’une faute personnelle, détachable de la fonction. Encourt dès lors la cassation l’arrêt par lequel une cour d’appel se déclare incompétente pour statuer sur la responsabilité civile d’un médecin attaché à un service public hospitalier, définitivement condamné pour non-assistance à personnes en péril, alors que la faute commise par celui-ci révélait un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique» : Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 avril 1992, 90-87.579, Publié au bulletin : en l’espèce, le médecin de garde sous astreinte à domicile ne s’est pas déplacé lorsqu’il a reçu l’appel de la sage-femme et s’est borné à prescrire par téléphone un traitement destiné à retarder l’accouchement, cependant que les symptômes décrits par la sage-femme, qui n’était pas apte à traiter une telle pathologie, ne laissaient aucun doute sur la situation de danger imminent dans laquelle se trouvaient la mère et l’enfant et sur la nécessité au contraire de pratiquer au plus tôt une césarienne
  • Ainsi, « caractérise le délit d’homicide involontaire le fait, par un médecin, de s’abstenir des diligences normales qui auraient permis le diagnostic d’une lésion et la mise en place d’un traitement approprié, lorsque cette négligence contribue à causer le décès du malade. Est, dès lors, justifiée la condamnation d’un médecin, chef du service de gynécologie-obstétrique d’un hôpital, qui, après avoir constaté qu’une femme, ayant accouché la veille, présentait une anémie sévère avec tachycardie, n’a pas procédé à un examen clinique approfondi qui aurait révélé un thrombus vaginal, complication de l’accouchement grave mais curable par une intervention chirurgicale pratiquée à temps, sa négligence ayant retardé cette intervention et causé ainsi la mort de la patiente » : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 29 juin 1999, 98-82.300, Publié au bulletin. En l’espèce, le médecin chef de service a été condamné pénalement à 6 mois d’emprisonnement avec sursis ; comme il s’agissait d’un praticien public, l’hôpital était tenu d’indemniser le préjudice « civil » de la famille de la victime mais l’établissement public employeur avait une faculté d’action récursoire contre son praticien en démontrant que celui-ci avait commis une « faute détachable du service ».
  • Cependant, les fautes non intentionnelles, même lorsqu’elles donnent lieu à une condamnation pénale, ne sont généralement pas considérées comme « détachables du service » ; pour que le praticien hospitalier public soit tenu responsable civilement, il faut que les juges aient constaté des négligences ou des imprudences dune exceptionnelle gravité : ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’est « à bon droit condamné à réparer personnellement les conséquences dommageables du décès d’une blessée, le chirurgien attaché à un service public hospitalier, qui, sans raison valable, étant avisé de l’arrivée dans son service d’une blessée atteinte par une balle au ventre, s’abstient de se rendre à son chevet pour l’examiner et prendre les décisions thérapeutiques qui s’imposent d’urgence. Une telle abstention constitue une faute lourde qui engage sa responsabilité personnelle» : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 25 mai 1982, 80-95.056, Publié au bulletin ;
  • À l’inverse, la Cour de cassation a jugé que « ne justifie pas sa décision la cour d’appel qui condamne un gynécologue-obstétricien, agent du service public hospitalier, à réparer personnellement les conséquences dommageables de l’homicide involontaire dont il a été reconnu coupable, alors que les constatations de l’arrêt ne permettent pas de considérer que les fautes non intentionnelles retenues contre lui sont détachables de ses fonctions» : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 février 2007, 06-82.264, Publié au bulletin]

8° Les professionnels de santé ne sont tenus qu’à « une obligation de moyens » :

  • Ils ne peuvent être condamnés « sur le fondement d’une obligation de sécurité de résultat, fut elle qualifiée d’accessoire à une obligation de moyens » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 4 janvier 2005, 03-13.579, Publié au bulletin
  • L’échec médical n’est pas nécessairement la preuve d’une faute et un dommage peut naître de l’acte médical sans être la conséquence d’une faute :« Une faute médicale ne peut se déduire de la seule absence de réussite de l’acte médical et de l’apparition d’un préjudice lequel peut être en relation avec l’acte médical pratiqué, sans l’être pour autant avec une faute. » : Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 12 décembre 1995, 93-19.437, Publié au bulletin ;
  • D’autre part, « l’existence d’une faute ne peut se déduire de la seule anormalité d’un dommage et de sa gravité» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 27 mai 1998, 96-17.197, Publié au bulletin ;
  • En particulier, un obstétricien ne peut être condamné pour n’avoir pas choisi de procéder à une césarienne alors « qu’il n’y avait eu à aucun moment d’indication formelle à ce geste», sachant que le praticien avait « privilégié l’accouchement par voie basse après avoir correctement suivi la grossesse et évalué le risque en faisant notamment procéder à une radiopelvimétrie, que la césarienne était un acte chirurgical qui comportait aussi des risques, qu’après la dilatation complète et rapide du col, le médecin n’avait bénéficié que d’un délai très bref pour prendre une décision d’urgence et que l’expert se bornait à juger discutable le choix de la ventouse d’engagement plutôt que le recours à la césarienne, sans toutefois considérer qu’il s’agirait d’une faute médicale imputable à l’obstétricien » : la cour d’appel a jugé que les lésions subies par l’enfant relevaient de l’aléa thérapeutique : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 29 juin 2004, 02-17.723, Inédit
  • « N’engage pas sa responsabilité le praticien qui en présence d’alternatives thérapeutiques choisit l’une d’entre elles dès lors que les données acquises de la science à la date des soins ne permettaient pas de la privilégier ou au contraire de la déconseiller par rapport aux autres quant aux résultats espéré» : Cass., Civ 1ère, 6 juin 2000, n° 98-19.295
  • « Même lorsqu’ils ont recours à des produits de santé pour l’accomplissement d’un acte médical, les professionnels de santé n’engagent leur responsabilité qu’en cas de faute et il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2018, 17-27.980 17-28.529, Publié au bulletin
  • « Y compris lorsqu’elle est applicable à l’article L. 1142-1, alinéa 1, du code de la santé publique et hors du cas prévu par l’article 1386-7, devenu 1245-6 du code civil,la responsabilité des professionnels de santé et les établissements de santé privés au titre des produits de santé utilisés ou fournis n’est engagée qu’en cas de faute » ; « Une cour d’appel a pu retenir qu’une prothèse de hanche qui s’était prématurément rompue n’offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et était défectueuse de sorte que se trouvait engagée la responsabilité de droit du producteur à l’égard du patient » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 février 2020, 18-26.256, Publié au bulletin

9° En principe, c’est au patient de faire la preuve de la faute du professionnel de santé et du lien de causalité entre la faute et le dommage.

91°. La charge de la preuve de la faute du médecin pèse sur le demandeur : « Vu les articles 1315 et 1147 du code civil ; […] Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence dans le dossier, par la faute de M. Y…, [gynécologue obstétricien] d’éléments relatifs à l’état de santé et à la prise en charge de M. X… entre le moment sa naissance, où une hémorragie avait été constatée, et celui de son hospitalisation, il appartenait au médecin d’apporter la preuve des circonstances en vertu desquelles cette hospitalisation n’avait pas été plus précoce, un retard injustifié étant de nature à engager sa responsabilité, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes susvisés » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 avril 2014, 13-14.964, Inédit

92° Le patient peut rapporter la faute du praticien « par tout moyen » (article 1358 du Code civil), notamment par les pièces de son dossier médical et par des « expertises médicales » (voir synthèse n°2 sur la réparation des dommages) ; le juge peut créer des « présomptions » de fautes mais il « ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen » : article 1382 du Code civil.

93° « Les présomptions graves, précises et concordantes relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 novembre 2010, 09-16.556, Publié au bulletin

94° « L’auteur d’une faute ne peut être condamné à la réparation que si sa faute a contribué de façon directe à la production du dommage dont la réparation est demandée. Une cour d’appel ayant constaté que si un médecin avait manqué à son devoir de surveillance post-opératoire en autorisant une sortie prématurée, l’absence de diagnostic au jour de la sortie d’une complication traitée sitôt le diagnostic établi avait été sans conséquence sur l’évolution clinique du patient, a pu en déduire qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la sortie prématurée et les séquelles de ce patient. » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 4 février 2003, 00-15.572, Publié au bulletin

95° Exemple d’absence de lien de causalité entre la pathologie d’un enfant et les actes d’un obstétricien : « Mais attendu que la cour d’appel, constatant, au vu de la documentation médicale produite, que l’encéphalopathie anoxique à terme relevait d’un diagnostic répondant à des critères précis et cumulatifs qui ne se retrouvaient pas chez M. Gauthier X…, en a souverainement déduit que faisaient défaut, en l’espèce, les présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir que les causes ou les conséquences de sa pathologie seraient partiellement ou totalement imputables à des faits ou des abstentions fautifs de M. Y… [obstétricien], et en a déduit à bon droit que les demandes de M. et Mme X… en réparation des préjudices subis du fait de l’état de leur fils ne pouvaient être accueillies, fût-ce sur le terrain d’une perte de chance ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches », Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 octobre 2013, 12-24.259, Inédit

96° La démonstration de l’existence d’une faute ne suffit pas à engager la responsabilité du médecin et/ou de l’établissement de santé car le patient doit identifier précisément le professionnel de santé auquel il impute la faute : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 novembre 2016, 15-25.348, Publié au bulletin : en labsence de certitude sur lauteur de la faute, aucune responsabilité ne peut être retenue.

97° Une très grande probabilité peut valoir certitude en l’absence dautre cause envisageable : « Une Cour d’appel, statuant sur l’action en responsabilité dirigée contre un médecin par un malade, victime d’une grave affection dermatologique, dite « syndrôme de Lyell » à la suite de l’absorption du médicament dénommé « fanasil », prescrit pour soigner une angine, peut considérer, en appréciant la portée des conclusions de l’expertise, qu’il en résultait que la très grande probabilité retenue par les experts en ce qui concerne le lien de causalité relevé entre l’absorption du médicament et l’apparition du syndrôme de Lyell équivalait à une certitude, dès lors qu’il était affirmé qu’un tel phénomène se produisait dans un très grand nombre de cas à la suite de l’administration d’un tel médicament, et qu’aucune autre hypothèse n’était formulée au sujet de l’apparition de ce syndrôme. » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 29 mai 1979, 77-15.708, Publié au bulletin

98° Dans certaines hypothèses, la loi renverse la charge de la preuve : en particulier, c’est au professionnel de santé de faire la preuve qu’il a bien informé le patient (art. L1111-2), notamment « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »

99° Le devoir d’information du professionnel de santé ne se limite pas aux actes de soins : il doit aussi informer le patient « sur son état de santé », cette obligation revêtant une grande importance concernant l’accouchement des femmes enceintes : « la circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas le professionnel de santé de l’obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu’il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du foetus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir ; qu’en particulier, en présence d’une pathologie de la mère ou de l’enfant à naître ou d’antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d’accouchement par voie basse, l’intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention » (Civ.1ère 23 janvier 2019, n° de pourvoi: 18-10706 ).

99-1° La Cour de cassation renverse la charge de la preuve dans certaines hypothèses. Ainsi, lorsque le patient est placé par l’établissement ou le praticien de santé dans l’impossibilité d’apporter la preuve d’une éventuelle faute, la Cour considère que c’est au professionnel de santé de prouver qu’il a apporté les soins appropriés :

  • « Faute [comprendre : en l’absence] denregistrement du rythme foetal pendant plusieurs minutes, il incombait à la clinique d’apporter la preuve qu’au cours de cette période, n’était survenu aucun événement nécessitant l’intervention du médecin obstétricien » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 décembre 2012, 11-27.347, Publié au bulletin ;
  • Une faute dans la conservation du dossier médical est de nature à inverser la charge de la preuve ; en l’absence d’une telle faute de la part du professionnel de santé, il appartient au demandeur d’apporter la preuve de la faute à l’origine du dommage : la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi formé contre une gynécologue obstétricienne, en constatant que celle-ci n’avait commis aucune faute dans la conservation du dossier médical, sachant qu’en l’espèce seule une telle faute aurait été de nature à inverser la charge de la preuve : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 avril 2016, 15-14.629, Inédit  En l’absence de communication d’informations médicales relatives à la prise en charge du patient » dans la nuit précédant son décès, « il incombait à la clinique d’apporter la preuve que les soins avaient été appropriés à son état de santé» (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 février 2017, 16-11.527, Inédit)
  • La « perte d’un dossier médical [en l’espèce un dossier d’accouchement], dont la conservation » incombe à l’établissement de santé, « caractérise un défaut d’organisation et de fonctionnement, [qui] place le patient ou ses ayants droit dans l’impossibilité d’accéder aux informations de santé concernant celui-ci et, le cas échéant, d’établir l’existence d’une faute dans sa prise en charge ; que, dès lors, elle conduit à inverser la charge de la preuve et à imposer à l’établissement de santé de démontrer que les soins prodigués ont été appropriés» (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 17-20.143, Publié au bulletin) ;

99-2° La Cour de cassation présume la faute du praticien dans certaines hypothèses restrictives : la frontière entre la maladresse fautive et l’aléa thérapeutique

  • « Un chirurgien-dentiste est tenu d’une obligation de précision de son geste de chirurgie dentaire. Commet dès lors une faute dans l’exécution du contrat le liant à son patient, le chirurgien-dentiste qui, à l’occasion de l’extraction de dents, provoque chez ce patient des atteintes labiales et neurologiques qui n’étaient pas impliquées par la réalisation des extractions » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 9 octobre 2001, 99-20.826, Publié au bulletin.
  • « En présence d’une sion accidentelle, en l’espèce la perforation de l’intestin du patient intervenue lors d’une coloscopie, la cour d’appel a pu retenir la faute du médecin, après avoir relevé que cet acte à visée exploratoire n’impliquait pas une atteinte aux parois des organes examinés, et après avoir déduit, tant de l’absence de prédispositions chez le patient, que des modalités de réalisation de la coloscopie, que la perforation dont celui-ci avait été victime était la conséquence d’un geste maladroit du praticien» (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 septembre 2008, 07-12.170, Publié au bulletin)
  • En revanche, « en présence d’une lésion accidentelle d’un nerf, lors d’une intervention chirurgicale sur un organe situé à proximité du nerf lésé, laquelle constituait un risque inhérent à l’intervention chirurgicale pratiquée sur le patient, la cour d’appel a pu retenir, après avoir relevé que les techniques utilisées par le praticien étaient conformes aux données acquises par la science, que le dommage s’analysait en un aléa thérapeutique, des conséquences duquel le chirurgien n’est pas contractuellement responsable», Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 septembre 2008, 07-13.080, Publié au bulletin
  • Il y a présomption de faute dans le cas datteinte portée par le professionnel de santé à un organe ou tissu que son intervention nimpliquait pas : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 12-13.900, Inédit : pour ne pas être tenu pour responsable du dommage, le praticien doit prouver qu’il existait soit une anomalie rendant l’atteinte inévitable, soit un « aléa », c’est-à-dire un risque inhérent à l’intervention et qui ne pouvait être maîtrisé.
  • L’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 novembre 2019, 18-24.906, Inédit a cassé l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait condamné un chirurgien au motif qu’il n’avait pas démontré que l’atteinte survenue constituait un risque inhérent à l’intervention pratiquée qui ne pouvait être maîtrisé, alors que le rapport d’expertise excluait la faute. L’interprétation de cet arrêt est difficile : soit il s’agit d’un « arrêt de principe », consacrant un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui aurait ainsi supprimé la présomption de faute, en imposant désormais au demandeur à l’action de démontrer que le chirurgien a méconnu les règles de l’art ; la jurisprudence de la Cour de cassation rejoindrait ainsi celle du Conseil d’Etat : CE 15 avril 2015, n°370309 ; soit il s’agit d’un « arrêt d’espèce », qui ne ferait que reprocher aux juges du fond de n’avoir pas tenu compte du rapport d’expertise qui non seulement excluait la faute mais concluait aussi « que la prise de précautions ne pouvait permettre d’écarter l’éventualité de la survenue d’une lésion inhérente à la technique utilisée ».
  • Le demandeur à laction doit au moins démontrer que le chirurgien est l’auteur de la lésion : « la cour d’appel, qui a présumé l’existence d’une faute, sans avoir préalablement constaté que le chirurgien avait lui-même, lors de l’accomplissement de son geste, causé la lésion, a inversé la charge de la preuve et méconnu les exigences du texte susvisé. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 février 2020, 19-13.423 19-14.240, Publié au bulletin

10° L’étendue de l’information du patient

10-1° L’obligation  légale

En application de l’article L. 1111-7 CSP, le praticien doit informer le patient des risques « fréquents ou graves normalement prévisibles » mais cet article issu de la loi du 4 mars 2002 n’a pas été conçu pour remettre en cause la jurisprudence ancienne qui avait consacré une conception très large de l’obligation qui pèse sur les médecins. La Cour de cassation a d’ailleurs maintenu le sens de sa jurisprudence, sous réserve de certaines limites…

10-2° La jurisprudence de la Cour de cassation

  • Sur la portée de l’obligation de l’information du patient : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 9 octobre 2001, 00-14.564, Publié au bulletin
    • Le devoir d’information du médecin vis-à-vis de son patient trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
    • Un médecin ne peut être dispensé de son devoir d’information vis-à-vis de son patient par le seul fait qu’un risque grave ne se réalise qu’exceptionnellement.
    • La responsabilité consécutive à la transgression par un médecin de son devoir d’information peut être recherchée aussi bien par la mère que par son enfant blessé lors de l’accouchement ;
    • Un médecin engage sa responsabilité pour manquement à son devoir d’information alors même qu’à l’époque des faits la jurisprudence admettait qu’il ne commettait pas de faute s’il ne révélait pas à son patient des risques exceptionnels ; en effet, l’interprétation jurisprudentielle d’une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l’époque des faits considérés et nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée ;
  • le médecin doit informer le patient de l’existence d’alternatives thérapeutiques : il a l’« obligation de donner au patient une information loyale, claire et appropriée sur les thérapeutiques proposées» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 3 mars 1998, 96-11.054, Inédit
  • l’information doit porter sur les risques graves qui bien qu’exceptionnels sont prévisibles : « hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et [qu’] il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement» (Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 octobre 1998, 97-10.267, Publié au bulletin) ; « Un risque grave scientifiquement connu à la date des soins comme étant en rapport avec l’intervention ou le traitement envisagés, constitue, même s’il ne se réalise qu’exceptionnellement, un risque normalement prévisible au sens de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique dont le patient a le droit d’être informé. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 octobre 2016, 15-16.894, Publié au bulletin
  • « Le chirurgien, qui manque à son obligation d’éclairer son patient sur les conséquences éventuelles du choix de celui-ci d’accepter l’opération qu’il lui propose, prive seulement l’intéressé d’une chance d’échapper, par une décision peut être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé, perte qui constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles résultant de ladite opération» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 février 1990, 88-14.797, Publié au bulletin (voir synthèse n°2 sur la réparation des dommages)
  • Le juge devant assurer à la victime l’indemnisation intégrale des préjudices dont il a constaté l’existence, il doit y avoir cumul d’indemnisations lorsqu’à la perte de chance pour défaut d’information se sont ajoutés des dommages dues à d’autres fautes : « Viole les articles L. 1142-1 du code la santé publique et 16-3 du code civil une cour d’appel qui limite la réparation due à la perte de chance d’éviter le dommage qui s’est réalisé, en raison du manquement du praticien à son devoir d’information, après avoir néanmoins retenu que la patiente avait été victime d’une intervention chirurgicale mutilante inadaptée et injustifiée laquelle ouvrait aussi droit à réparation » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 janvier 2010, 09-10.992, Publié au bulletin

11° L’obligation de dispenser des soins « conformes aux données acquises de la science »

  • Depuis la loi du 4 mars 2002, l’article L.1110-5 CSP dispose notamment que : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. ». Mais la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence qui se réfère toujours à l’obligation pour les praticiens de dispenser des soins conformes aux « données acquises de la science », sachant que cette expression est consacrée au Code de la déontologie médicale, dont les dispositions sont insérées au Code de la santé publique, dont l’article R. 4127-32 CSP dispose : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents.».
  • Les données acquises de la science ne sont pas les « données actuelles » : parce que les « données actuelles » n’ont pas encore subi l’épreuve du temps de sorte qu’elles n’ont pas été encore validées par la communauté scientifique, « l’obligation pesant sur un médecin est de donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science » et « la branche du moyen qui se réfère à la notion, erronée, de données actuelles est dès lors inopérante » (Cass., Civ 1ère, 6 juin 2000, n° 98-19.295) :
  • Un obstétricien est jugé responsable pour avoir omis de recourir à une césarienne, après l’échec de la tentative d’extraction par forceps, alors que « les données acquises de la science, telles quelles ressortaient du rapport des experts faisant état de lavis unanime exprimé par les auteurs de manuels, traités ou articles, imposaient de recourir immédiatement à une césarienne dès l’échec de la tentative par forceps, la prolongation de la souffrance foetale au-delà de 20minutes générant des lésions ; » (Cass. 1re civ., 13 mai 1997, n° 95-15.303, non publié)
  • Dans une affaire où une mère est décédée lors d’un accouchement, l’anesthésiste peut être mis hors de cause pour avoir agi conformément aux données acquises de la science tandis que l’obstétricien sera condamné pour y avoir manqué : « ne commet aucune faute, et doit, par conséquent, être mis hors de cause le médecin anesthésiste qui a agi conformément aux données acquises de la science et assuré la surveillance des suites des anesthésies qu’il a réalisées, sans négliger l’obligation générale de prudence et de diligence qui lui incombe quant au domaine de compétence du praticien avec lequel il a concouru à une intervention ; les fautes commises par un médecin gynécologue ayant consisté à exposer sa patiente à des risques, sans justification thérapeutique, puis à lui donner des soins incomplets et tardifs, sont en relation directe et certaine avec les dommages subis par cette patiente, décédée, après une période d’état végétatif, des suites d’interventions chirurgicales destinées à juguler une hémorragie, et au cours desquelles des arrêts cardiaques s’étaient produits », Cour de cassation, Chambre civile 1, du 27 mai 1998, 96-17.197 : malgré des contre-indications tenant à l’âge et aux antécédents de sa patiente, le médecin gynécologue avait procédé à une induction ovarienne, puis au déclenchement prématuré de l’accouchement, sans justification thérapeutique et dans des conditions obstétricales peu favorables.
  • Un praticien qui a accepté de soigner un patient ne doit pas lui dispenser des soins non conformes aux données acquises de la science, au motif que ce patient ne peut assumer que le coût de pratiques moins performantes : « un chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige à lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science. Des considérations liées aux possibilités financières du patient ne peuvent l’autoriser à dispenser des soins non conformes aux données acquises de la science» (Cour de cassation, Chambre civile 1, du 19 décembre 2000, 99-12.403, Publié au bulletin)
  • Le praticien doit tenir compte du bénéfice-risque pour le patient des soins dispensés au regard des données acquises de la science : « le principe de liberté de prescription ne [trouve] application que dans le respect du droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés à son âge et à son état, conformes aux données acquises de la science et ne lui faisant pas courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté» (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 octobre 2010, 09-68.471, Publié au bulletin)
  • Pour juger de la responsabilité d’un médecin, les juridictions doivent se replacer au jour des faits et se référer aux connaissances scientifiques de l’époque : la Cour de cassation admet le pourvoi formé par un obstétricien condamné sur la base d’une expertise qui se référait à des publications postérieures à lannée de lacte médical pour considérer quune césarienne aurait dû être pratiquée à la place dun accouchement par voie basse (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 juillet 2016, 15-20.268, Inédit)
  • Mais « un professionnel de santé est fondé à invoquer le fait qu’il a prodigué des soins qui sont conformes à des recommandations émises postérieurement. Il incombe alors à des médecins experts judiciaires d’apprécier, notamment au regard de ces recommandations, si les soins litigieux peuvent être considérés comme appropriés » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2018, 17-15.620, Publié au bulletin) : la Cour de cassation a ainsi cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui écartait les avis médicaux produits par l’obstétricien, en retenant qu’ils se référaient à des recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) édictées trois mois après la naissance de l’enfant.

12° L’erreur de diagnostic : principes généraux

  • Elle ne constitue pas en elle-même une faute car un professionnel de santé n’est pas tenu de faire le bon diagnostic (absence d’obligation de résultats) : par ex. ne peut être sanctionné un médecin qui a posé un diagnostic de crise migraineuse, alors qu’il s’agissait d’une hémorragie méningée liée à une rupture d’anévrisme, dont le patient a gardé d’importantes séquelles, sachant que le praticien n’a commis « aucune négligence dans la conduite de son examen », qu’il « a consacré le temps nécessaire à son diagnostic», en tenant « compte tenu des symptômes observés et des antécédents migraineux » du patient « et de l’amélioration de son état, (…), après une injection d’antalgiques » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 juin 2015, 14-19.725, Inédit
  • En revanche, le praticien commet une faute s’il a commis une erreur flagrante : par ex. « si les cas d’infection utérine étaient devenus rares les deux médecins [des obstétriciens], eu égard à leur expérience et à leurs connaissances en matière de maternité et de ses suites ainsi qu’aux symptômes présentés par [la patiente] quelques jours après l’accouchement, ne pouvaient invoquer la rareté de l’infection pour excuser leur erreur de diagnostic » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 16 juin 1998, 97-18.481 97-18.509 97-19.131, Publié au bulletin
  • De même, la responsabilité du praticien est engagée s’il ne se se donne pas les moyens nécessaires pour tenter de parvenir au bon diagnostic :
    • dans une affaire concernant la naissance d’une enfant présentant une agénésie de l’avant-bras droit et de la main droite, non détectée lors d’une échographie de contrôle, la Cour de cassation a jugé que « Les articles 32 et 33 du code de déontologie médicale imposent l’obligation pour le praticien, qui constate une difficulté dans l’établissement d’un diagnostic, de faire appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents, et de concours appropriés» (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 novembre 2008, 07-15.963, Publié au bulletin) ;
    • engage sa responsabilité professionnelle l’obstétricienne « qui, alors qu’elle devait suspecter une macrosomie foetale, n’avait pas employé tous les moyens d’investigation dont elle disposait pour en vérifier l’existence et poser un diagnostic éclairé lui permettant d’orienter la parturiente en toute connaissance de cause vers le mode d’accouchement le plus adapté » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2012, 11-19.284, Inédit);
  • En application du principe d’indépendance de chaque médecin, celui qui procède à un acte médical prescrit par un autre médecin dispose, de par sa qualité et ses fonctions, d’un droit de contrôler la prescription de son confrère : « Le médecin radiologiste qui procède à une aortographie prescrite par un autre médecin dispose de par sa qualité et ses fonctions d’un droit de contrôle sur la prescription de son confrère, et il a l’obligation d’éclairer le malade ou ses représentants des risques de l’intervention. Ce médecin engage donc sa responsabilité pour avoir procédé à une telle aortographie – qui n’était ni indispensable ni urgente – sur un mineur, sans avoir obtenu le consentement ainsi éclairé de ses parents » : Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 29 mai 1984, 82-15.433, Publié au bulletin
  • « un médecin, tenu, par l’article R. 4127-5 du code de la santé publique, d’exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 avril 2014, 13-14.288, Publié au bulletin : affaire dans laquelle un médecin a été condamné pour avoir écarté une suspicion de tumeur de l’utérus (léomyosarcome) sur la base d’un diagnostic erroné moins sévère posé par un autre médecin au vu de résultats différents de l’anatomopathologie.
  • Un médecin qui a commis une erreur de diagnostic peut appeler en garantie un de ses confrères qui ne lui a pas communiqué toutes les informations utiles, sachant qu’ « il incombe au médecin ayant réalisé un acte médical à la demande d’un confrère, d’informer ce dernier par écrit de ses constatations, conclusions et éventuelles prescriptions» : ainsi, un gynécologue obstétricien auquel il était reproché un retard de diagnostic d’un cancer du sein peut appeler en garantie le radiologue ayant réalisé une mammographie et qui n’avait pas mentionné, dans le compte-rendu écrit adressé à son confrère, l’ensemble des informations fournies par la mammographie et permettant ce diagnostic : Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 29 novembre 2005, 04-13.805, Publié au bulletin
  • Commet une faute le médecin qui ne s’assure pas par lui-même des résultats des examens qu’il a demandés avant d’en informer le patient : « Ne sont pas opposables au patient et ne peuvent caractériser une impossibilité de l’informer, l’existence d’un protocole entre un médecin prescripteur et un laboratoire de biologie médicale prévoyant que ce dernier n’informe le médecin [en l’espèce un gynécologue] du résultat de l’examen pratiqué que s’il est anormal et l’absence de communication d’un tel résultat, consécutif à un dysfonctionnement du laboratoire, ayant induit le médecin [le gynécologue] en erreur, dès lors que, pour pouvoir remplir son devoir d’information, celui-ci doit être en possession de ce résultat et doit, le cas échéant, le solliciter» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mai 2018, 16-27.506, Publié au bulletin

13° L’erreur de diagnostic prénatal et la lente extinction de « l’indemnisation du préjudice d’être né » (« arrêt Perruche »)

13-1° En 1996, la chambre civile de la Cour de cassation jugea que « Les fautes commises par un laboratoire dans la recherche d’anticorps rubéoleux prescrite chez une femme enceinte, et par le praticien qui a manqué à son obligation de soins attentifs et diligents et à son devoir d’information et de conseil, sont en relation causale avec le dommage subi par l’enfant, atteint de séquelles neurologiques consécutives à la rubéole contractée pendant la vie intra-utérine ; il s’ensuit que l’enfant doit être indemnisé de son préjudice. » (Cour de cassation, Chambre civile 1, du 26 mars 1996, 94-11.791 94-14.158, Publié au bulletin ; arrêt dit Perruche, du nom de la famille plaignante) : autrement dit, la Cour jugeait que l’enfant pouvait être indemnisé, alors que son handicap était congénital et ne résultait donc pas d’une faute de l’obstétricien, parce qu’il était né alors que sa mère, si elle avait été bien informée de l’état du foetus, aurait pu décider d’interrompre sa grossesse par une IVG.

13-2° Les juridictions judiciaires « du fond » se sont rebellées contre cette jurisprudence mais en 2000 l’assemblée plénière de la Cour de cassation est intervenue pour l’imposer définitivement en ces termes : « Dès lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec une femme enceinte avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues. » : Cour de cassation, Assemblée plénière, du 17 novembre 2000, 99-13.701, Publié au bulletin –  alors que le Conseil d’État, concernant une affaire qui s’était produite dans un hôpital public, avait jugé dans un sens inverse, avec sa décision Quarez de février 1997 (Conseil d’État, Section, du 14 février 1997, 133238, publié au recueil Lebon) par laquelle il considéra que l’erreur de diagnostic qui avait conduit une mère à renoncer à l’IVG pouvait conduire à indemniser les parents mais seulement eux, pas l’enfant. Ainsi, dans des circonstances strictement identiques, les praticiens libéraux étaient désormais assujettis à une responsabilité bien plus lourde que les hôpitaux publics, alors que ces derniers ne risquent pas de faire faillite, eux, parce qu’ils ont le statut d’établissement public, et alors que leurs praticiens sont protégés civilement parce qu’ils sont salariés (sauf les rares cas de faute détachable du service, cf. Supra).

13-3° L’article 1er de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 (dite loi Kouchner), dit communément article « « anti-arrêt Perruche » », visait à empêcher l’indemnisation directe de l’enfant tout en permettant toujours celle des parents. Il était ainsi rédigé :

« I. – Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.

Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation.

II. – Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale.

III. – Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est chargé, dans des conditions fixées par décret, d’évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et des personnes handicapées de nationalité française établies hors de France prises en charge au titre de la solidarité nationale, et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes.

IV – Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu’à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. »

13-4° Ces dispositions ont été modifiées en 2005 et codifiées à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles qui dispose que l’absence de diagnostic d’une anomalie du foetus n’engage la responsabilité du praticien qu’en cas de « faute caractérisée » laquelle est caractérisée par des « exigences d’intensité et d’évidence » ; d’autre part, seuls les parents peuvent demander réparation de n’avoir pu éviter la naissance d’un enfant handicapé, en recourant à l’IVG, parce que le médecin les a faussement rassuré sur l’état du foetus ; les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice mais ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap, la compensation de ce dernier relevant de la solidarité nationale.

13-5° Mais la Cour de cassation a décidé en janvier 2006 que l’article 1er « anti-Perruche » de la loi du 4 mars 2002 n’avait pas d’effet rétroactif et qu’il ne s’appliquait donc pas aux instances en cours : « Si une personne peut être privée d’un droit de créance en responsabilité par l’effet d’une loi, c’est à la condition, selon l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens. Tel n’est pas le cas, s’agissant de l’article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, déclarée applicable aux instances en cours, lorsqu’un enfant pouvait, avant son entrée en vigueur, demander la réparation du préjudice résultant d’un handicap et causé par les fautes retenues à la charge d’un médecin, dans l’exécution de son contrat avec la mère, qui avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, dès lors que la loi susvisée, en prohibant l’action de l’enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l’enfant tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap, sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, quand les parents pouvaient, en l’état de la jurisprudence applicable avant l’entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur enfant serait indemnisé au titre du préjudice résultant de son handicap. Cour de cassation, Chambre civile 1, du 24 janvier 2006, 02-13.775, Publié au bulletin ; Cass. 1re civ., 24 janv. 2006, 01-16.684 et Cass. 1re civ., 24 janv. 2006, 02-12.260 : Bull. civ. 2006, I n° 28, 29 et 31

13°-6 Première application en 2013 de la notion de « faute caractérisée » : « Une enfant étant née atteinte d’une agénésie [absence ou atrophie] de l’avant-bras droit, justifie sa décision au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, une cour d’appel qui déduit des affirmations dans les compte-rendus écrits de deux échographistes, pour l’un que les membres « étaient visibles avec leurs extrémités » et pour l’autre que les deux mains étaient présentes, qu’ils ont commis une faute caractérisée, au sens de ce texte » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 janvier 2013, 12-14.020, Publié au bulletin

13°-7 La Cour de cassation a jugé que les dispositions législatives « anti-arrêt Perruche » pouvaient s’appliquer pour l’avenir sans porter atteinte aux principes posés par la Convention européenne des droits de l’homme : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2013, 12-21.576, Publié au bulletin : « la réparation issue du dispositif actuel de compensation du handicap en fonction des besoins, prévu par l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles au titre de la solidarité nationale, procède d’un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens. Il s’ensuit que, dès lors que le dommage est survenu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, le moyen tiré de la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas fondé »

13-8° Mais la Cour de cassation a jugé en mai 2018 que la jurisprudence Perruche trouve encore aujourdhui à sappliquer à tous les enfants nés avant le 7 mars 2002 : dans cet affaire, « l’enfant étant née avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, l’application de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, transposant l’article 1er, I, de cette loi, a été écartée » : Civ. 1ère, 3 mai 2018, n° 16-27506, publié au Bulletin. Autrement dit, près de vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 censée avoir « cassé » l’arrêt Perruche, celui-ci s’applique toujours à certaines affaires d’erreur de diagnostic prénatal ayant conduit des femmes à renoncer à l’IVG alors qu’elles auraient pu choisir d’y recourir si elles avaient bien été informées par leur médecin…

14° La perte de chance : l’exemple des accouchements

  • Une cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant « qu’en ne faisant pas les examens indispensables et en ne pratiquant pas cette césarienne, le médecin avait exposé Mme X… à un risque élevé de dystocie des épaules et commis une faute qui lui avait fait perdre une chance de bénéficier d’un accouchement sans risque» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 novembre 2009, 08-17.104, Inédit
  • « La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entrainé le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de Mme X, et la perte d’une chance de survie pour cette dernière» : Cour de cassation, chambre civile, 14 octobre 2010, n°09-69.195
  • Un obstétricienne doit être condamnée pour s’être « contentée de procéder, à quinze jours du terme de la grossesse, à une échographie pour écouter les bruits du coeur et vérifier la vitalité du foetus, [en s’abstenant] de mesurer la hauteur utérine qui, selon les experts, présentait une importante valeur prédictive, quand un ensemble de données telles que les mesures relatives à la précédente échographie, la surcharge pondérale de [la patiente] et sa prise de poids importante au cours du mois écoulé, auraient dû l’alerter quant à un risque de macrosomie du foetus, et la conduire à en vérifier le poids approximatif, même avec une marge d’erreur, et qu’elle n’avait pas fait procéder à la recherche d’un diabète gestationnel, alors même que la prévention de la dystocie des épaules par césarienne prophylactique est à envisager pour les foetus dont le poids estimé excède 5 kilos chez les femmes sans diabètes et 4,500 kg chez les femmes avec diabète » ; ainsi, les juges ont « pu en déduire que l’obstétricienne « qui, alors qu’elle devait suspecter une macrosomie foetale, n’avait pas employé tous les moyens d’investigation dont elle disposait pour en vérifier l’existence et poser un diagnostic éclairé lui permettant d’orienter la parturiente en toute connaissance de cause vers le mode d’accouchement le plus adapté, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2012, 11-19.284, Inédit
  • Lors d’un accouchement au cours duquel deux obstétriciens se sont succédé, une cour d’appel a pu justement déduire qu’aucune « qu’aucune erreur de diagnostic fautive ne pouvait être reprochée » à l’un, mais que pouvait être reproché à l’autre obstétricien « M. Z…, au vu de l’ensemble des signes cliniques alarmants qu’il avait constatés depuis huit heures et sa connaissance de Mme X… dont il avait suivi la grossesse, [qu’il] avait manqué de diligence dans la prise en charge de cette dernière, et exactement retenu que la faute du praticien avait fait perdre à l’enfant des chances de se présenter dans un meilleur état de santé à la naissance, d’avoir des séquelles moindres, voire de ne pas avoir de séquelles » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 novembre 2013, 12-26.007, Inédit
  • Dans une affaire relative à la faute d’une clinique liée à l’intervention tardive du gynécologue obstétricien ayant procédé en urgence à la césarienne, la Cour de cassation a rappelé qu’« une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s’il peut être tenu pour certain que la faute n’a pas eu de conséquence sur l’état de santé du patient » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 juin 2017, 16-21.296, Inédit
  • Dès lors qu’une faute peut être imputée à l’obstétricien et à la sage-femme, l’indemnisation de la victime pour perte de chance ne peut être écartée que s’il peut être tenu pour certain que cette faute n’a pu contribuer au dommage : « Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme S… et de M. D…, après avoir admis un retard fautif dans l’extraction de l’enfant, imputable au praticien et à la sage-femme salariée de la clinique, l’arrêt relève, au vu d’éléments versés aux débats par les parties et contrairement aux énonciations des experts, que l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre ces fautes et l’état de santé de Mme Z… D… n’est pas démontrée, de sorte que les demandes de réparation ne peuvent être accueillies, même sur le terrain de la perte de chance ; Qu’en se déterminant ainsi, sans constater qu’il pouvait être tenu pour certain que les fautes n’avaient pas eu de conséquences sur l’état de santé de Mme Z… D…, alors qu’une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 octobre 2019, 18-19.459, Inédit

15° Sur les responsabilités respectives des obstétriciens et sages-femmes

15-1°. Les dispositions du code de la santé publique (CSP).

  • En application de l’article L 4151-3 CSP, « En cas de pathologie maternelle, foetale ou néonatale pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, et en cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. Les sages-femmes peuvent pratiquer les soins prescrits par un médecin en cas de grossesse ou de suites de couches pathologiques. ».
  • L’article R4127-325 CSP, qui transpose les dispositions du code de déontologie des sages-femmes, précise que « Dès lors qu’elle a accepté de répondre à une demande, la sage-femme s’engage à assurer personnellement avec conscience et dévouement les soins conformes aux données scientifiques du moment que requièrent la patiente et le nouveau-né. Sauf cas de force majeure, notamment en l’absence de médecin ou pour faire face à un danger pressant, la sage-femme doit faire appel à un médecin lorsque les soins à donner débordent sa compétence professionnelle ou lorsque la famille l’exige. »

15-2° L’interprétation par la Cour de cassation

  • « Un médecin accoucheur n’est pas tenu de suivre l’état d’une parturiente dès son entrée en clinique, lorsque celle-ci est sous la surveillance d’une sage-femme, ce qui relève de la compétence professionnelle de cette dernière en application de l’article 28 du Code de déontologie des sages-femmes dans sa rédaction applicable en la cause, issue du décret n° 49-1351 du 30 septembre 1949, et qu’aucun élément ne permet de suspecter un accouchement dystocique» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 20 juin 2000, 98-21.283, Publié au bulletin ; dans le même sens, il a été jugé que « la sage-femme étant habilitée à pratiquer les actes nécessaires quant à la surveillance et la pratique de l’accouchement mais devant faire appel à un médecin en cas d’accouchement dystocique, une cour d’appel a pu retenir qu’il ne pouvait être fait grief au médecin « compétent exclusif en obstétrique » de ne pas s’être informé par lui-même et, dès lors que l’accouchement par voie basse constituait à son arrivée le seul choix médicalement approprié en raison de l’état de dilatation du col de l’utérus, que l’instrumentation utilisée pour faciliter l’expulsion, compte tenu du temps et des éléments d’information dont il disposait, n’était pas critiquable et que les actes accomplis relevaient de sa qualification, a pu en déduire qu’aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 octobre 2010, 09-16.085 09-17.035, Publié au bulletin
  • La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’ « une cour d’appel qui déclare non établie la faute d’une sage-femme après avoir relevé que lors du suivi d’un accouchement par le siège cette dernière avait constaté l’existence d’anomalies du rythme cardiaque foetal lui ayant permis de détecter un circulaire du cordon, donnée qui aggravait le risque d’un tel accouchement et qualifiait un accouchement dystocique, qu’elle n’avait alors pas prévenu l’obstétricien et l’avait contacté seulement lorsque ces anomalies avaient révélé l’anoxie de l’enfant.» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 13 décembre 2005, 03-12.364, Publié au bulletin
  • Sur le plan pénal, « l’existence des fautes relevées à l’encontre du gynécologue pendant les opérations d’évacuation de la cavité utérine ne suffit pas à exclure l’éventualité de fautes commises par la sage-femme pendant ces opérations ou dans la surveillance des suites de couches » : « Il résulte des articles L. 370 et L. 374 du Code de la santé publique que les sages-femmes ont, dans la pratique des soins postnataux, un pouvoir et une responsabilité autonomes de surveillance et prescription. Dès lors, ne justifie pas sa décision, au regard de l’article 221-6 du Code pénal, la cour d’appel qui, pour relaxer une sage-femme du chef d’homicide involontaire, se borne à énoncer qu’en l’état d’un accouchement gémellaire présentant une haute probabilité de risques, il appartenait au médecin accoucheur, condamné pour le même délit, de lui donner les directives nécessaires au sujet de la durée de perfusion à la patiente de produits ocytociques, et de procéder lui-même à l’examen clinique qui aurait permis de diagnostiquer l’hémorragie interne apparue postérieurement à l’accouchement et à la délivrance » (Cour de cassation, Chambre criminelle, du 21 octobre 1998, 97-84.999, Publié au bulletin) : dans cette affaire, la cour d’appel avait condamné l’obstétricien pour homicide involontaire à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d’amende et à réparer le préjudice civil, tandis que la sage-femme avait été relaxée.
  • La sage-femme qui ne fait pas appel à obstétricien en cas d’accouchement dystocique est susceptible d’être condamnée pénalement, sauf si l’enfant n’était pas né vivant : la Cour de cassation a ainsi jugé que « L’arrêt qui énonce à tort, pour relaxer une sage-femme poursuivie pour homicide involontaire, que, faute d’avoir interprété le tracé du rythme cardiaque foetal comme l’indice d’une hypoxie, elle a commis non pas une négligence ou un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi, mais une simple erreur de diagnostic n’engageant pas sa responsabilité pénale, alors qu’il résulte de l’article L. 4151-3 du Code de la santé publique qu’en cas d’accouchement dystocique, les sages-femmes doivent faire appeler un médecin, n’encourt cependant pas la censure, dès lors que, l’enfant n’étant pas né vivant, les faits ne sont susceptibles d’aucune qualification pé» (Cour de cassation, Chambre criminelle, du 4 mai 2004, 03-86.175, Publié au bulletin)

16° La responsabilité du praticien en cas d’échec des IVG et des actes contraceptifs

  • Un chirurgien peut être condamné pour n’avoir pas informé sa patiente du risque d’une nouvelle grossesse malgré une opération de ligature des trompes : « Si un chirurgien peut, sans que ce soit constitutif d’une faute, ne pas signaler à son patient le risque minime d’une complication provoquée par l’intervention chirurgicale elle-même, dès lors que ce risque ne se réalise qu’exceptionnellement et n’est justiciable d’aucune mesure de prévention, il en va différemment lorsque le risque consiste en la possibilité d’une nouvelle grossesse malgré une opération de ligature des trompes, la réalisation de ce risque résiduel pouvant être évitée si son existence est connue. Une Cour d’appel peut donc estimer qu’en ne signalant pas ce risque à sa patiente, qui s’était trouvée en état de grossesse moins d’un mois après l’intervention, un chirurgien avait manqué à son devoir de conseil. », Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 9 mai 1983, 82-12.227, Publié au bulletin
  • N’est pas indemnisable la naissance d’un enfant à la suite de l’échec d’une IVG mais pourrait l’être un dommage particulier qui s’ajouterait aux charges normales de la maternité : « À elle seule, l’existence de l’enfant qu’elle a conçu ne peut constituer pour sa mère un préjudice juridiquement réparable, même si la naissance est survenue après une intervention pratiquée sans succès en vue de l’interruption de la grossesse. Dès lors, en l’absence d’un dommage particulier qui, ajouté aux charges normales de la maternité, aurait été de nature à permettre à la mère de réclamer une indemnité, une cour d’appel justifie légalement sa décision de débouter la mère de sa demande dirigée contre le médecin dont elle a retenu la faute. » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 25 juin 1991, 89-18.617, Publié au bulletin

17° Équipe médicale et partage des responsabilités

17-1° La responsabilité du chirurgien pour des fautes commises par l’anesthésiste :

  • « Le chirurgien, investi de la confiance de la personne sur laquelle il va pratiquer une opération, est tenu, en vertu contrat qui le lie à cette personne, de faire bénéficier celle-ci, pour l’ensemble de l’intervention, de soins consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science. Il répond, dès lors, des fautes que peut commettre le médecin auquel il a recours pour l’anesthésie, et qu’il se substitue, en dehors de tout consentement du patient, pour l’accomplissement de son obligation » : Cour de cassation, Chambre civile, 1, du 18 octobre 1960, Publié au bulletin
  • Le chirurgien ne peut laisser le patient sous la seule surveillance de l’anesthésiste quand celui-ci n’est pas compétent pour pratiquer l’intervention chirurgicale nécessaire : « Encourt la cassation l’arrêt qui, statuant sur les responsabilités consécutives au décès d’un malade survenu des suites d’une hémorragie interne quelques heures après avoir subi une intervention chirurgicale, retient in solidum avec celle du chirurgien la responsabilité du médecin anesthésiste, dont il relève pourtant qu’il s’est dépensé en dévouement sans interruption jusqu’au décès de son malade et qu’il a, notamment, vers 14 heures et dès les premiers signes d’une baisse de tension artérielle, rappelé le chirurgien, lequel ne put intervenir faute d’avoir décelé l’origine de la spoliation sanguine, au seul motif que l’anesthésiste n’avait pas procédé à la radiographie pulmonaire ultérieurement préconisée par les experts et n’avait pas rappelé avec insistance le chirurgien dès 15 heures, sans rechercher en quoi ce comportement, déclaré fautif, avait comme les juges du fond se bornent à l’affirmer, concouru au décès du patient au même titre que les fautes du chirurgien, lequel venait, selon les propres constatations de l’arrêt, d’abandonner le malade aux soins d’un médecin anesthésiste qui n’avait pas la possibilité de pratiquer le seul traitement salvateur, à savoir une nouvelle opération. » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 10 février 1987, 85-14.463, Publié au bulletin

17-2° Obligation de surveillance réciproque au sein de l’équipe médicale

  • « Si la surveillance postopératoire incombe au médecin anesthésiste pour ce qui concerne sa spécialité, le chirurgien n’en demeure pas moins tenu, à cet égard, d’une obligation générale de prudence et de diligence. Encourt dès lors la cassation l’arrêt, qui décharge un chirurgien de toute responsabilité à la suite de l’accident postopératoire survenu à son malade quelques instants après l’opération, alors que l’infirmière chargée de sa surveillance l’avait laissé seul dans sa chambre, sans rechercher si le chirurgien, en raison des conditions dans lesquelles il avait quitté la clinique, n’aurait pas dû s’assurer que le malade restait sous la surveillance d’une personne qualifié» : Cour de cassation, Assemblée pléniere, 30 mai 1986, 85-91432
  • Le médecin anesthésiste est soumis lui aussi à une « l’obligation générale de prudence et de diligence […] quant au domaine de compétence du praticien avec lequel il a concouru à une intervention » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 27 mai 1998, 96-19.161, Publié au bulletin.
  • « L’obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins [en l’espèce un obstétricien et un anesthésiste] collaborent à l’examen ou au traitement de ce patient, lobligation pour chacun deux, dassurer un suivi de ses prescriptions afin dassumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 mai 2013, 12-21.338, Publié au bulletin, jurisprudence confirmée par Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 mai 2015, 14-16.100, Inédit : « lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement d’un patient, chacun d’eux a l’obligation d’assurer un suivi de ses prescriptions afin d’assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences».

 

 

Témoignages

1er TEMOIGNAGE Dr D
Affaire « Docteur D. »

Le choix de l’utilisation des forceps plutôt que celui d’une césarienne est-il à l’origine du handicap de l’enfant qu’il a mis au monde ? Témoignage du Docteur D, jugé responsable de ce handicap et qui se trouve lui aussi en défaut de couverture assurancielle, alors qu’il avait payé régulièrement la prime d’assurance.

Voir le témoignage
2eme TEMOIGNAGE Dr J
Affaire « Docteur J. »

A 71 ans le Docteur J. est toujours en activité. Il a été jugé responsable du handicap et ses assureurs refusent la couverture de l’indemnisation au-delà d’un plafond.

Voir le témoignage
3eme TEMOIGNAGE Dr F
Affaire « Docteur F. »

Témoignage de la fille du Docteur F : plusieurs années après le décès de son père obstétricien, Madame F se voit réclamer 8 millions d’euros pour l’indemnisation d’un enfant né handicapé dont l’accouchement avait été pris en charge par son père.

Voir le témoignage

Interviews

FAVRIN INTERVIEW
Interview Dr. Favrin

Serge Favrin présente les activités de GYNERISQ (organisme de gestion du risque en gynécologie-obstétrique) dont il a été le président : expertise collégiale sur les problèmes obstétricaux, amélioration des pratiques professionnelles.

Voir le témoignage
MARTY INTERVIEW
Interview Dr. Marty

Jean Marty, ancien président du syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF) a lancé l’alerte à partir de 2002, dans les suites de l’affaire Perruche, sur les « trous de garanties » dans les contrats d’assurance responsabilité civile des praticiens.

Voir le témoignage
ROCHAMBEAU INTERVIEW
Interiew Dr. Rochambeau

Actuel président du SYNGOF, Bertrand de Rochambeau fait le point sur les « trous de garantie » qui perdurent en 2021 malgré la création d’un fonds de garantie des accidents médicaux (FAPDS) censé régler le problème.

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