Ce document ne prétend pas être exhaustif. Il vise seulement à donner au lecteur les principales informations relatives aux voies de recours des patients à l’encontre des médecins libéraux (I.), que ceux-ci exercent en cabinet de ville ou dans des établissements de santé privés (« cliniques »), ainsi que les modalités d’indemnisation des dommages lorsqu’ils sont avérés et imputés aux praticiens libéraux (II).
Il ne sera pas question des procédures devant les juridictions de l’Ordre des médecins car elles ne visent pas à réparer un dommage, même lorsque la chambre disciplinaire est saisie par le conseil national ou départemental de l’Ordre à la suite d’une plainte de patients.
Les « liens hypertexte » permettent d’accéder aux sources des dispositions législatives et réglementaires, qui sont pour la plupart « codifiées » (inscrites au sein de différents codes, dont le code la santé publique, le code civil, le code des assurances, le code de la Sécurité sociale etc.), ainsi qu’aux décisions de justice les plus importantes.
Les développements sur les différents préjudices indemnisables visent à faire comprendre pour quelles raisons les indemnisations accordées à des victimes d’accidents médicaux, notamment les enfants atteints d’un profond handicap, peuvent dépasser les plafonds des assurances des praticiens médicaux reconnus fautifs (v. Synthèse n°4).
I./ Les voies de recours offertes aux patients
L’obligation d’information de la victime ou de toute personne s’estimant victime : article L 1142-4 CSP
- « Toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage.
- « Cette information lui est délivrée au plus tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou sa demande expresse, lors d’un entretien au cours duquel la personne peut se faire assister par un médecin ou une autre personne de son choix. »
Le patient peut ainsi tenir compte de l’information pour faire traiter médicalement les conséquences du dommage qu’il a subi et pour mettre en oeuvre les voies de recours qui peuvent lui permettre d’obtenir réparation de ses préjudices.
Dans certains cas, les dommages médicaux peuvent être indemnisés par un fonds publics, l’ONIAM, au titre de la solidarité nationale : « L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales [ONIAM] est un établissement public à caractère administratif de l’Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale » à différents titres, notamment les dommages d’une certaine gravité « occasionnés par la survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale » : art. L. 1142-22 CSP. L’ONIAM est principalement financé par une dotation de la branche maladie de la Sécurité sociale : art. L 1142-23 CSP. Ces modalités d’indemnisation ne seront pas détaillées car, par définition, elles concernent des dommages pour lesquels la responsabilité de praticiens libéraux n’est pas engagée.
L’ONIAM ne peut être saisi directement par le patient, celui-ci devant soumettre sa demande à des commissions ad hoc qui ont été créées pour favoriser des procédures de conciliation et de règlement amiable (1°./) et éviter au patient requérant d’avoir à déclencher à ses frais des procédures judiciaires (2°./)
1°./ Les voies de la conciliation et du règlement amiable
11° Les commissions de conciliation et d’indemnisation [CCI] : article L 1142-5 CSP :
- « Dans chaque région, une ou plusieurs commissions de conciliation et d’indemnisation [CCI] sont chargées de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé, services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé mentionnés aux articles 1142-1 et L. 1142-2.
- Toutefois, un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale peut instituer une « commission interrégionale de CCI » compétente pour deux ou plusieurs régions.
- La commission siège en formation de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et en formation de conciliation.
12° La composition des CCI : article L 1142-6 CSP
- Elles sont présidées par un magistrat de l’ordre administratif ou un magistrat de l’ordre judiciaire, en activité ou honoraire.
- Elles comprennent notamment des représentants des personnes malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé et des responsables d’établissements et services de santé, ainsi que des membres représentant l’ONIAM et les entreprises d’assurance.
- Les frais de fonctionnement des commissions sont assurés par l’ONIAM, financé par une dotation allouée par les organismes de sécurité sociale, qui leur apporte également un soutien technique et administratif.
13° La saisine de la CCI par le patient : article L 1142-7 CSP
- La commission régionale peut être saisie par toute personne s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou, le cas échéant, par son représentant légal. Elle peut également être saisie par les ayants droit d’une personne décédée à la suite d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins.
- La personne indique sa qualité d’assuré social ainsi que les organismes de sécurité sociale auxquels elle est affiliée pour les divers risques. Elle indique également à la commission les prestations reçues ou à recevoir des autres tiers payeurs du chef du dommage qu’elle a subi.
- La personne informe la commission régionale des procédures juridictionnelles relatives aux mêmes faits éventuellement en cours. [Réciproquement] si une action en justice est intentée, la personne informe le juge de la saisine de la commission (v. infra).
- La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu’au terme de la procédure amiable.
14° La mission de conciliation des CCI : articles L 1142-5 CSP, R 1142-19 CSP et s.
- La CCI peut être saisie d’une mission de conciliation, quelle que soit la gravité des dommages dont se plaint le patient
- Dans le cadre de sa mission de conciliation, la commission peut déléguer tout ou partie de ses compétences à l’un de ses membres ou à un ou plusieurs médiateurs extérieurs à la commission qui, dans la limite des compétences dévolues, disposent des mêmes prérogatives et sont soumis aux mêmes obligations que les membres de la commission.
- La commission réunie en formation de conciliation examine « les contestations relatives aux droits des malades et des usagers du système de santé mettant en cause un professionnel ou un établissement de santé de son ressort » ainsi que «les demandes relatives aux litiges ou difficultés nés à l’occasion d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, ou réalisé dans le cadre d’une recherche biomédicale, effectué dans son ressort. »
- « La commission entend les personnes intéressées au litige et s’efforce de les concilier. En cas de conciliation, totale ou partielle, elle constate la conciliation dont les termes font l’objet d’un document de conciliation. Ce document fait également apparaître les points de désaccord qui subsistent lorsque la conciliation est partielle. Il est signé par les intéressés et par le président de la commission ou son représentant. »
- Mais, en pratique, cette voie est très peu utilisée par les patients qui se plaignent de dommages importants
15° La saisine de la CCI pour un règlement amiable en cas de dommages graves imputables à certains actes médicaux
15-1° En principe, la CCI ne sera compétente que si le dommage est grave, selon un critère fixé par la loi :
- article L 1142-8 CSP : «Lorsque les dommages subis présentent le caractère de gravité prévu au II de l’article 1142-1, la commission émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que sur le régime d’indemnisation applicable. »
- L’article L 1142-1 CSP renvoie à un décret dont les dispositions sont codifiées à l’article D 1142-1 CSP qui dispose concernant le caractère et le taux de gravité des dommages :
« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ;
15-2° Par exception la CCI est compétente sans condition de gravité :
– concernant « les dommages résultant de l’intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins. » : art. L 1142-1-1 CSP
– Les personnes qui subissent des dommages dans le cadre de la recherche impliquant la personne humaine : art. L 1142-3 CSP
15-3° La procédure de règlement amiable ne doit concerner que des actes dont la finalité était « contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi. », seuls ces actes pouvant donner lieu à l’application du dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale : art. L 1142-3-1 CSP
15-4° La décision d’une CCI se déclarant incompétente parce que le seuil de gravité n’est pas atteint n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État : « comme l’avis au fond sur la demande d’indemnisation, la déclaration par laquelle une commission s’estime incompétente pour connaître de la demande ou estime celle-ci irrecevable, quand bien même elle fait obstacle à l’ouverture d’une procédure de règlement amiable, ne fait pas grief et n’est pas susceptible d’être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir dès lors que la victime conserve la faculté de saisir, si elle s’y croit fondée, le juge compétent d’une action en indemnisation et de faire valoir devant celui-ci tous éléments de nature à établir, selon elle, la consistance, l’étendue, les causes et les modalités de son préjudice, quelles qu’aient été les appréciations portées sur ces questions par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation lorsqu’elle a été saisie. » : Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10/10/2007, 306590, Publié au recueil Lebon
16° La saisine d’un expert par la CCI aux frais de l’ONIAM : v. Synthèse n°3
17° Les trois avis possibles de la CCI
- Soit la CCI rejette la demande car elle estime que le dommage n’engage pas la responsabilité du praticien et n’est pas indemnisable non plus par la solidarité nationale, c’est-à-dire l’ONIAM ;
- Soit la CCI estime que la responsabilité du professionnel de santé est engagée, alors l’assureur du praticien doit faire une offre d’indemnisation au patient, sachant que l’indemnisation de la faute du praticien ne peut être prise en charge par la solidarité nationale, cette dernière ne pouvant jouer qu’en l’absence de faute : « Il résulte de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1, et II, du code de la santé publique que lorsqu’une faute a été commise lors de la réalisation de l’acte médical qui est à l’origine du dommage, cette faute est exclusive d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale, fondée sur les risques que comportait cet acte et que, dès lors que la responsabilité du praticien est engagée notamment au titre d’une telle faute, il lui incombe d’assurer la réparation de ses conséquences sur le fondement de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1 » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 novembre 2016, 15-20.611, Publié au bulletin
- Soit enfin l’ONIAM doit indemniser et il doit faire une offre au patient.
18° L’obligation pour l’assureur du praticien de faire une offre au patient si la CCI estime responsable le professionnel de santé : article L 1142-14 CSP
- Le principe de l’obligation : Lorsque la CCI estime qu’un dommage relevant du premier alinéa de l’article L. 1142-8 engage la responsabilité d’un professionnel de santé, d’un établissement de santé, d’un service de santé ou d’un organisme mentionné à l’article 1142-1 ou d’un producteur d’un produit de santé mentionné à l’article L. 1142-2, l’assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d’assurance.
- Le contenu de l’offre : cette offre doit indiquer l’évaluation retenue, le cas échéant à titre provisionnel, pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 qui sont prises en charge par des « tiers payeurs » (organismes de sécurité sociale, mutuelles, etc. voir synthèse n°3). Ces prestations et indemnités qui font l’objet d’une déduction du montant de l’offre sont remboursées directement par l’assureur du responsable du dommage aux débiteurs concernés.
- L’offre a un caractère provisionnel si l’assureur n’a pas été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
- L’assureur qui fait une offre à la victime est tenu de rembourser à l’office les frais d’expertise que celui-ci a supporté
- L’acceptation de l’offre de l’assureur : elle vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil. Le paiement doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception par l’assureur de l’acceptation de son offre par la victime, que cette offre ait un caractère provisionnel ou définitif. Dans le cas contraire, les sommes non versées produisent de plein droit intérêt au double du taux légal à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au jour du paiement effectif ou, le cas échéant, du jugement devenu définitif.
- Le recours possible de l’assureur en cas d’acceptation de son offre : « Si l’assureur qui a transigé avec la victime estime que le dommage n’engage pas la responsabilité de la personne qu’il assure, il dispose d’une action subrogatoire soit contre le tiers responsable, soit contre l’ONIAM si les dispositions du II de l’article L. 1142-1 trouvent à s’appliquer.
- Le refus de l’offre de l’assureur par le patient au motif qu’elle est insuffisante : si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l’offre de l’assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l’assureur à verser à l’office une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. »
- Dans le cas où les plafonds de garantie des contrats d’assurance du médecin considéré comme responsable par la commission seraient atteints, voir synthèse n°4
19° Les cas où l’ONIAM est tenu de faire une offre d’indemnisation à la victime, alors que la CCI a considéré que le médecin est responsable des dommages : article L 1142-15 CSP
19-1° Les dispositions de l’article L. 1142-14 CSP s’appliquent à l’ONIAM dans trois cas :
- En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre ou d’une offre dérisoire équivalent à un refus : « En présence d’une offre d’indemnisation d’un montant dérisoire faite par l’assureur d’un professionnel de santé aux ayants droit de la victime décédée, les juges du fond décident exactement qu’une telle offre équivaut à une absence d’offre au sens de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, de sorte que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (l’ONIAM) se substitue régulièrement à cet assureur, qui encourt la pénalité égale à 15 % des sommes allouées aux intéressés » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 juillet 2011, 10-19.766, Publié au bulletin
- Lorsque le médecin responsable des dommages n’est pas assuré
- Lorsque la couverture d’assurance du praticien est épuisée ou expirée (voir Synthèse n°4)
19-2° Lorsque la victime accepte l’offre de l’ONIAM :
- L’acceptation de l’offre de l’office vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l’article 426-1 du code des assurances.
- L’ONIAM peut se retourner contre le praticien ou son assureur ou le « fonds de réassurance » : il est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l’article L. 426-1 du même code (v. Synthèse n°4). Il peut en outre obtenir remboursement des frais d’expertise.
19-3° Lorsque le juge est saisi par l’ONIAM en tant que subrogé dans les droits de la victime : en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’ONIAM une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue.
19-4° Dans les trois cas, le praticien ou son assureur peuvent contester devant le juge la transaction passée par l’ONIAM avec la victime :
- Lorsque l’ONIAM transige avec la victime, ou ses ayants droit, dans les trois cas prévus à L 1142-15 CSP, cette transaction est opposable à l’assureur ou, le cas échéant, au « fonds de réassurance » (v. Synthèse n° 4) ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées.
- Mais, « quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis ».
20° La CCI peut exonérer le praticien de toute responsabilité mais en considérant que le dommage est indemnisable par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale : v. article L 1142-17 qui renvoie aux trois cas prévus au titre du II de l’article L. 1142-1 CSP :
- lorsque la responsabilité du professionnel de santé ou de l’établissement de santé ou d’un producteur de produits « n’est pas engagée »,
- un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale,
- lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins
- et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci :
- « la condition d’anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit être regardée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ; que, dans le cas contraire, les conséquences de l’acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu’ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l’état de santé du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage»; : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-16.824, Publié au bulletin ;
- « Il résulte de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, pour être réparé au titre de la solidarité nationale, un dommage doit avoir été provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, ce qui implique soit qu’il présente un caractère distinct de l’atteinte initiale, soit qu’il résulte de son aggravation. Ne caractérise pas un tel dommage, le fait que l’évolution favorable de l’état de santé d’un patient se trouve retardée par un échec thérapeutique» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 mai 2017, 16-16.890, Publié au bulletin ;
- et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
- Dans ces cas l’ONIAM est en principe tenu de faire une offre à la victime : v. par ex. : « Si l’accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manoeuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique. Si l’élongation du plexus brachial est une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie ne représentent que 1 % à 2, 5 % des cas, de sorte que la survenance d’un tel dommage présente une faible probabilité caractérisant son anormalité et justifiant que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (l’ONIAM) soit tenu à indemnisation au titre de la solidarité nationale» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 juin 2019, 18-20.883, Publié au bulletin
- Mais…
21° Les cas où l’ONIAM peut refuser de faire une offre à la victime, en désaccord avec la CCI :
- L’ONIAM admet que le dommage est imputable aux soins mais il est en désaccord avec l’avis de la CCI (par ex. sur la gravité du dommage) même lorsque celle-ci a suivi l’appréciation de l’expert qu’elle avait désigné ;
- Lorsqu’il estime que le dommage n’est pas imputable aux soins, l’ONIAM peut refuser de se substituer à l’assureur du praticien, qu’il soit défaillant (il ne fait pas de proposition), absent (le praticien n’est pas assuré) ou qu’il ait refusé de faire une offre.
- sachant que l’ONIAM n’est pas lié par la décision de la CCI dont la mission se limite à faciliter, par des mesures préparatoires, un éventuel règlement amiable des litiges relatifs à des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou des infections nosocomiales : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 mai 2010, 09-66.947, Publié au bulletin
2°./ La voie judiciaire civile et/ou pénale
21° la voie judiciaire civile : la personne qui s’estime victime d’un dommage médical peut choisir de saisir le juge civil d’emblée, parallèlement le cas échéant à la saisine de la CCI, sous condition d’une information réciproque des deux (juge et Commission, v. supra, n°13), ou bien elle peut être conduite à le faire après avoir saisi une CCI, dans plusieurs hypothèses :
- lorsque la tentative de conciliation avec le praticien a échoué ;
- lorsque la CCI a considéré qu’elle ne pouvait pas suivre la procédure du règlement amiable parce que la demande était irrecevable, le taux de gravité des dommages étant inférieur à 24 % ou ceux-ci ne résultant pas d’un acte de soins (au sens indiqué supra) ;
- lorsque la CCI a conclu que le praticien n’était pas responsable des dommages et que l’ONIAM n’est pas tenu de les indemniser au titre de la solidarité nationale ;
- lorsque l’indemnisation proposée par l’assureur lui paraît insuffisante ;
- lorsque l’ONIAM ne se substitue pas à l’assureur du praticien alors qu’il est défaillant ou absent ou qu’il refuse de faire une offre : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mars 2017, 16-13.247, Publié au bulletin : « Lorsque la procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales n’a pu aboutir ou lorsque la victime n’a pas souhaité y recourir, celle-ci peut agir en justice contre le professionnel de santé, l’établissement, service ou organisme auquel elle impute la responsabilité de son dommage, et son assureur, sur le fondement de l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ou encore contre l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), si elle estime que son dommage est indemnisable au titre de la solidarité nationale, sur le fondement des articles L. 1142-1, II, et L. 1142-20 du même code. Les articles L. 1142-15, régissant la procédure de règlement amiable et prévoyant au sein de cette procédure une substitution de l’ONIAM à l’assureur, notamment dans le cas où le professionnel de santé n’est pas assuré, et L. 1142-22, relatif aux missions d’indemnisation de l’ONIAM, n’ont ni pour objet ni pour effet d’instituer un droit d’agir en justice contre celui-ci au titre de dommages engageant la responsabilité d’un professionnel de santé, du seul fait que ce dernier n’était pas assuré»
22° Le praticien peut être également attrait devant les juridictions judiciaires civiles par l’ONIAM, lorsque celui-ci entame une action subrogatoire (dans les trois cas mentionnés au 19-1°) ;
23° De même, les tiers payeurs peuvent saisir le juge civil pour obtenir le remboursement de leurs débours, en liens avec les dommages médicaux, par le praticien ou son assureur :
23-1° La liste des tiers payeurs est la suivante :
- Les organismes de sécurité sociale : articles L 376-1 et suivants du code de la sécurité sociale (CSS) : les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel ; l’intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d’assuré social de la victime de l’accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques ; ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement.
- les mutuelles : article L224-9 du code de la mutualité, pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, des indemnités journalières versées et les prestations d’invalidité
- les employeurs, lorsqu’ils ont maintenu le salaire à la victime ou lui ont versé certaines prestations, à elle ou ses ayants droit, notamment la prise en charge de frais médicaux, peuvent exercer un recours pour obtenir un remboursement de ces dépenses : art. 1. de l’ordonnance 59-76 du 7 janvier 1959, art. 32 (remboursement charges patronales) de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (dite loi Badinter)
- les sociétés d’assurance :
- en application du 3 de l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, pour « les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation »,
- en application du 5 du même article, depuis l’article 15 de loi n°94-678 du 8 août 1994, « Les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d’assurance régies par le code des assurances »
- en application de l’article 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (dite « loi Badinter »), codifié à l’article L 211-25 du code des assurances, au titre d’ « une avance sur indemnité du fait de l’accident » « contre l’assureur de la personne tenue à réparation »
23-2°. Les caisses de l’assurance maladie peuvent faire recours pour obtenir le remboursement des frais suivants (voir II./)
– Postes de préjudices temporaires :
Dépenses de santé actuelles : frais médicaux, frais pharmaceutiques, appareillages, frais de transport, hospitalisations…
Pertes de gains professionnels actuelles : indemnités journalières
– Postes de préjudices permanents :
Dépenses de santé futures : frais médicaux, frais pharmaceutiques, appareillages, frais de transport, hospitalisations…
Pertes de gains professionnels futures : indemnités journalières, rente, pension d’invalidité
Incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent : rente, pension d’invalidité
– Exemple de jurisprudence : Cour de cassation, Chambre civile 2, du 21 décembre 2006, 03-20.421, Inédit : « attendu, d’abord, qu’après avoir constaté que M. X… ne justifiait pas d’une perte de salaire au titre de l’incapacité temporaire totale et de l’incapacité temporaire partielle, et accordé, pour cette période, l’indemnisation de la gêne subi par la victime dans les actes de la vie courante, la cour d’appel a à bon droit décidé que ce préjudice, qui répare une atteinte objective à l’intégrité physique, devait être inclus dans le recours exercé par les organismes sociaux »
23-3° Exemple de jurisprudence concernant les assureurs complémentaires, : « Selon les articles 29-5 et 30 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ouvrent droit à un recours, subrogatoire par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou son assureur, les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité, versées à la victime d’un dommage résultant des atteintes à sa personne, par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et par les sociétés d’assurances régies par le code des assurances » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 juillet 2007, 06-16.084, Publié au bulletin
24° L’action civile et le juge pénal
24-1° La constitution de partie civile devant le juge pénal
- Une personne qui s’estime victime d’un dommage et considère qu’il résulte d’une infraction pénale peut se porter partie civile : article 2 du Code procédure pénale (CPP) : « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. / La renonciation à l’action civile ne peut arrêter ni suspendre l’exercice de l’action publique, sous réserve des cas visés à l’alinéa 3 de l’article 6. [transaction ou retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite]. » ; article 3 CPP : « L’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction. /Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite. » ;
- La victime qui souhaite se constituer partie civile devant les juridictions pénales dispose de deux voies :
- « par voie d’intervention » : lorsque l’action publique a déjà été déclenchée par le Ministère public (le « parquet », le « procureur de la République ») : article 87 CPP : « La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction. / Elle peut être contestée par le procureur de la République ou par une partie. /En cas de contestation, ou s’il déclare irrecevable la constitution de partie civile, le juge d’instruction statue, après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée dont l’intéressé peut interjeter appel. […] » ; article 418 CPP : « Toute personne qui, conformément à l’article 2, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l’a déjà fait, se constituer partie civile à l’audience même. / Le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire. /La partie civile peut, à l’appui de sa constitution, demander des dommages-intérêts correspondant au préjudice qui lui a été causé. »
- « par voie d’action » : lorsque l’action publique n’a pas été déclenchée à la suite d’une première plainte simple qui a fait l’objet d’un classement sans suite ou qui est restée sans réponse dans un délai de trois mois : article 85 CPP : « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42. / Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites, soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. Cette condition de recevabilité n’est pas requise s’il s’agit d’un crime ou s’il s’agit d’un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87, 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral. / Par dérogation à l’article 5 du présent code, la victime qui a exercé son action devant une juridiction civile pendant le délai prévu au deuxième alinéa peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction après s’être désistée de l’instance civile. […] »
- La victime devra déposer une « consignation » : article 88 CPP : « Le juge d’instruction constate, par ordonnance, le dépôt de la plainte. En fonction des ressources de la partie civile, il fixe le montant de la consignation que celle-ci doit, si elle n’a obtenu l’aide juridictionnelle, déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite sous peine de non-recevabilité de la plainte. Il peut dispenser de consignation la partie civile. » ;
- Les avantages pour la victime de la constitution de partie-civile : la plainte avec constitution de partie civile interrompt la prescription de l’action publique alors qu’« une plainte [simple] adressée au procureur de la République ne constitue pas un acte de poursuite ou d’instruction et n’a pas d’effet interruptif de la prescription de l’action publique », Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 juillet 2012, 11-87.583, Publié au bulletin ; peuvent se constituer partie civile en leur nom propre des parents ou proches de victimes qui font état d’un préjudice personnel et direct distinct du préjudice éprouvé par cette victime du fait de l’infraction : Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 février 2001, 00-84.532, Publié au bulletin ; lors de l’instruction, le coût des expertises sera pris en charge par l’Etat, de sorte que le demandeur n’aura pas à en avancer le montant ; le demandeur n’a pas à prouver l’existence du préjudice et il suffit que les circonstances permettent au juge d’admettre comme possible l’existence de ce préjudice : « Lorsque l’action publique a été mise en mouvement à l’initiative du Ministère public, une constitution de partie civile par voie d’intervention est recevable dès que les circonstances permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec les infractions visées par le réquisitoire » : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 10 janvier 1979, 77-92.917, Publié au bulletin
- Les risques d’une constitution de partie-civile abusive : article 91 CPP « Quand, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, la personne mise en examen et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d’une poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, si elles n’usent de la voie civile, demander des dommages-intérêts au plaignant dans les formes indiquées ci-aprè […] »
- Si l’infraction a été commise par une personne privée (un médecin libéral par ex.) la constitution de partie-civile peut être accompagnée d’une demande d’indemnisation ;
- Si l’infraction a été commise par un agent public (un médecin d’un hôpital par ex.) la juridiction pénale n’est pas compétente pour statuer sur la demande de réparation et la victime ne peut être indemnisée que par le juge administratif sauf si l’infraction revêt le caractère d’« une faute personnelle détachable du service » (v. Synthèse 1).
24-2°. L’action en réparation devant le juge civil après une condamnation pénale
- Le juge civil est tenu par « l’autorité de la chose jugée au pénal » : « L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 octobre 2012, 11-20.442, Publié au bulletin
- Donc, si une personne a été condamnée au plan pénal, lorsque la victime porte plainte devant le juge civil celui-ci est alors tenu d’indemniser la victime en condamnant celui que le juge pénal a sanctionné comme étant l’auteur des dommages : « L‘autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la dé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 juin 2016, 14-25.070, Publié au bulletin
24-3°. L’action en réparation devant le juge civil après la relaxe pénale en cas de faute non intentionnelle
- Si le juge pénal a exonéré un médecin pour une faute pénale non intentionnelle, la victime peut cependant saisir le juge civil pour faire condamner ce même praticien pour avoir causé des dommages par sa négligence ou par son imprudence : en application des dispositions de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non-intentionnels, [dite « loi Fauchon »], codifiées à l’article 4-1 code de procédure pénale : «L’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1241 du code civil si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l’existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie. », l’article 1241 du code civil disposant que « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
24-4° Après une relaxe en cas de faute non intentionnelle, le juge pénal doit se prononcer sur une demande de réparation si elle a été faite avant la clôture des débats :
- en application de l’article 470-1 CPP, « Le tribunal saisi, à l’initiative du ministère public ou sur renvoi d’une juridiction d’instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite. »
- Par exemple, lorsque les ayants-droits d’une victime se sont constitués partie civile et ont demandé à être indemnisés, mais que les prévenus – un médecin gynécologue et un médecin anesthésiste en l’espèce – ont été relaxés du chef d’homicide involontaire au motif que le lien de causalité entre les fautes et le décès n’était pas établi avec certitude, la juridiction répressive « ne peut débouter les parties civiles de leur demande de réparation en application des règles du droit civil au motif que, si les fautes des prévenus ont probablement fait perdre une chance de survie à la victime, il n’existe aucune certitude à cet égard, dès lors que la réalisation d’une chance n’est, par définition, jamais certaine » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 3 novembre 2010, 09-87.375, Publié au bulletin : autrement dit, si le juge pénal ont relaxé des médecins parce qu’il n’a pu établir avec certitude que les fautes de ces derniers étaient à l’origine du décès du patient, mais que ces fautes ont probablement fait perdre une chance de survie à la victime, les ayants-droits de celle-ci ont le droit d’être indemnisés, dès lors qu’ils en avaient fait la demande.
- Mais si aucune demande d’indemnisation n’a été présentée devant le juge pénal, avant la clôture des débats, dans le cadre d’une constitution de partie civile pour faute médicale, le demandeur, en cas de relaxe du médecin, ne peut plus saisir le juge civil de son action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle : « il incombe au demandeur à l’action de présenter dès la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ; il s’ensuit que se heurte à l’autorité de la chose jugée, l’action en responsabilité contractuelle engagée devant une juridiction civile pour l’indemnisation d’un préjudice, alors qu’une juridiction pénale avait, par une décision devenue irrévocable, débouté les parties civiles de leur demande fondée sur la responsabilité délictuelle et tendant à la même indemnisation» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 25 octobre 2007, 06-19.524, Publié au bulletin
II./ Les modalités d’indemnisation des dommages
1° Les principes directeurs
11°. Le principe de la réparation intégrale des préjudices : « Le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de placer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » : Civ. 2, 28 octobre 1954, J.C.P. 1955, II, 8765
12°. L’indemnisation des conséquences des dommages actuels mais aussi des conséquences futures si elles ne sont pas seulement hypothétiques :
- « Est réparable le préjudice qui apparaît au juge du fait comme la prolongation certaine et directe d’un état de chose actuel et comme étant susceptible d’estimation immédiate» : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 21 octobre 2003, 02-85.836, Publié au bulletin ;
- « Le préjudice hypothétique ne donnant pas lieu à réparation, fait une fausse application des articles L. 1142-1 I du code de la santé publique et de l’article 1382 du code civil une cour d’appel qui condamne un médecin ayant procédé par erreur à l’extraction d’une veine saine en laissant en place la veine atteinte d’une pathologie, à des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’impossibilité psychologique dans laquelle se trouve désormais la victime d’engager sereinement des soins médicaux, particulièrement s’ils nécessitent une intervention chirurgicale, alors que la réticence alléguée par cette dernière à subir dans le futur une telle intervention constitue une simple éventualité» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 juin 2012, 11-19.265, Publié au bulletin. Mais la Cour de cassation reconnait le caractère autonome du « préjudice d’anxiété » (v. infra)
13° La prise en compte de l’aggravation de la santé de la victime ou de ses préjudices
- « Le dommage étant définitivement fixé à la date où le juge rend sa décision, au cas où postérieurement à cette date une aggravation survient dans l’état de la victime, les dommages intérêts alloués ne peuvent excéder la réparation intégrale du préjudice causé par cette aggravation.» : Cour de cassation, Chambre civile 2, du 7 juillet 1993, 91-20.681 91-21.474, Publié au bulletin ; mais « une précédente indemnisation sur la base d’un taux d’incapacité de 100% ne fait pas obstacle à la réparation d’une aggravation des préjudices et qu’il appartenait [aux juges du fond] de rechercher si la victime n’avait pas subi une aggravation de ses préjudices, distincte de leur évolution prévisible » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 octobre 2019, 18-20.818, Inédit
- « Toute victime dispose d’une nouvelle action en réparation contre le responsable en cas d’aggravation de son dommage. Méconnaît ce principe et encourt, dès lors, la cassation l’arrêt qui invoque l’autorité de chose jugée pour déclarer irrecevable l’action tendant à la réparation d’un élément de préjudice inconnu au moment de la demande initiale et sur lequel il n’a pu être statué. Par ailleurs, la circonstance que la victime soit atteinte d’une incapacité permanente totale n’exclut pas la possibilité d’une aggravation de son dommage» : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 9 juillet 1996, 95-81.143, Publié au bulletin
14° La victime n’est pas tenue de demander une prestation sociale à laquelle elle a droit, mais qui n’a aucun caractère obligatoire, avant de demander réparation de son préjudice : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 janvier 2019, 17-24.083, Publié au bulletin
15° Le principe de la réparation intégrale par le juge exclut une réparation forfaitaire (v. infra « Qu’en statuant ainsi, alors que, comme M. A le soutenait dans ses conclusions, la réparation des préjudices ne doit pas être évaluée de manière forfaitaire, la cour d’appel a violé le principe susvisé ; » : Cass. 2e civ., 24 mai 2018, n° 17-14.738, n° 719 D) mais le principe ne s’applique pas à l’indemnisation par la solidarité nationale des dommages médicaux : ainsi, en cas de survie du patient, la victime indirecte ne peut demander réparation du dommage personnellement éprouvé dans le cas d’un accident médical, d’une infection nosocomiale ou d’une affection iatrogène indemnisée au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l’article L 1142-1 CSP : « l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 et complété par celle du 9 août 2004, qui n’a pas eu pour objectif de consacrer un droit à indemnisation de tous les préjudices résultant d’accidents médicaux non fautifs, mais de permettre, sous certaines conditions, la prise en charge, par la solidarité nationale, de certains d’entre eux, en conciliant, d’une part l’exigence d’une indemnisation équitable des patients victimes et de leurs proches et d’autre part l’équilibre des finances publiques et la pérennité du système, a pu réserver la faculté, pour les ayants droit de la victime principale, d’obtenir réparation de leur préjudice propre auprès de l’ONIAM à l’hypothèse où cette victime est décédée et les en priver lorsqu’elle a survécu sans méconnaître le principe d’égalité, la différence de traitement ainsi instituée étant conforme à l’intérêt général et en rapport direct avec l’objet de la loi » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 septembre 2011, 11-12.536, Inédit
16° « Toute perte de chance ouvre droit à réparation » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 juin 2020, 19-17.071, Inédit
17°. Le principe de l’appréciation souveraine des juges du fond, « aidés » par une nomenclature pour éviter l’arbitraire
17-1°. « L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond » : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2016, 14-28.293, Publié au bulletin
17-2° Conçue en 2005, la « nomenclature Dintilhac », du nom du président du groupe de travail qui l’a conçue, a été conçue pour pouvoir être appliquée à toutes des victimes de dommages corporels. Bien que cette nomenclature demeure officieuse, la jurisprudence de la Cour de cassation la suit mais sans s’interdire de consacrer des « postes de préjudices autonomes »…
2°./ L’indemnisation par poste de préjudice suivant la « nomenclature Dintilhac » et la consécration discutée de « préjudices autonomes »
Ces précisions sont fondées sur le rapport Dintilhac et le rapport de décembre 2019 de l’Association pour l’étude de la Réparation du Dommage Corporel (AREDOC), complétés de certaines jurisprudences. Après le rappel de la définition de chaque poste de préjudice selon la « nomenclature Dintilhac », sont mentionnés quelques arrêts importants, récents pour le plus grand nombre, qui illustrent le principe et ses exceptions. Toutes les affaires mentionnées ne concernent pas des accidents médicaux mais elles expriment des principes qui s’appliquent également à des dommages qui ont pour origine la faute d’un praticien de santé libéral.
21° Préjudices patrimoniaux
21-1° Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Les dépenses de santé actuelles (D.S.A) :
- il s’agit des frais hospitaliers (hors ticket modérateur et forfait hospitalier…), frais chirurgicaux, frais médicaux, frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie, orthoptie, orthophonie…), frais pharmaceutiques, les prothèses, appareillages, les soins esthétiques…
- La plupart de ces dépenses sont prises en charge par les organismes sociaux (caisses d’assurance maladie de la sécurité sociale) ainsi que par les complémentaires santé (mutuelles), de sorte que seule la part supportée par la victime sera prise en compte dans l’
- « Le recours subrogatoire d’une caisse au titre des frais exposés avant la consolidation, pour la prise en charge du séjour d’un enfant dans un centre de rééducation fonctionnelle, qui incluent notamment des soins médicaux et paramédicaux, s’exerce sur le poste “dépenses de santé actuelles’’ » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-14.068, Publié au bulletin
– Les frais divers (F.D.) :
- La liste non exhaustive : les honoraires que la victime a été contrainte de débourser auprès de médecins (spécialistes ou non) pour se faire conseiller et assister à l’occasion de l’expertise médicale la concernant ; les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident ; les dépenses destinées à compenser des activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique : frais de garde des enfants, soins ménagers, assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante, frais d’adaptation temporaire d’un véhicule ou d’un logement, etc.. ; frais temporaires ou ponctuels exceptionnels : notamment les frais exposés par les artisans ou les commerçants lorsqu’ils sont contraints de recourir à du personnel de remplacement durant la période de convalescence où ils sont immobilisés sans pouvoir diriger leur affaire ; tous les frais temporaires, dont la preuve et le montant sont établis, et qui sont imputables à l’accident à l’origine du dommage corporel subi par la victime…
- Concernant le « forfait hospitalier » (frais de repas et de séjour mis à la charge des personnes hospitalisées) : refus de prise en compte : « les juges du second degré étaient saisis de conclusions de la partie civile demandant la prise en compte de frais restés à sa charge correspondant au forfait hospitalier ainsi qu’à des dépenses de téléphone et de blanchissage exposés lors de son séjour en établissement d’hébergement et de soins ; Attendu que, pour écarter ces chefs de demande, l’arrêt retient que la partie civile aurait dû supporter ces frais, même si l’accident ne s’était pas produit ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision » : Cour de cassation, Chambre criminelle, du 3 mai 2006, 05-83.809, Inédit ; acceptation de la prise en compte : « procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a pu décider que les frais correspondant au forfait hospitalier constituaient un préjudice indemnisable » : Cour de cassation, Chambre civile 2, du 3 mai 2006, 05-12.617, Inédit ;
- Concernant les honoraires d’un médecin-conseil qu’a versés une victime pour une expertise amiable, servant à évaluer son préjudice et chiffrer ses demandes : « pour allouer à M. X… une certaine somme au titre des frais d’assistance à l’expertise médicale ordonnée par la CIVI, l’arrêt énonce qu’une telle dépense est en lien direct avec l’atteinte à la personne ; Que, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par le moyen, la cour d’appel a légalement justifié sa décision au regard de l’article 706-3 du code de procédure pénale» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 septembre 2013, 12-20.750, Inédit ; « Vu l’article 455 du code de procédure civile ; Attendu que pour fixer l’indemnisation de la victime au titre des frais divers à la somme de 4 654 euros, l’arrêt énonce que Mme X… justifie de ses débours par la production de factures, notes d’horaires, billets de trains et dépenses pour se faire assister ou se rendre aux opérations d’expertise ; que c’est à juste titre que l’assureur souligne que parmi ces frais a été incluse une expertise amiable qui correspond à la facture d’honoraires du 26 mai 2007 et qui sera donc déduite des frais réclamés soit la somme de 1 000 euros ; Qu’en statuant ainsi, sans indiquer les raisons pour lesquelles Mme X… n’aurait pu légitimement recourir à une telle mesure pour évaluer son préjudice et chiffrer ses demandes, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 mai 2014, 13-18.591, Inédit ; « qu’ayant souverainement estimé que la note critiquant le rapport d’expertise établie par le docteur F… n’était pas indispensable dans le cadre de la présente procédure, la cour d’appel, par ce seul motif faisant ressortir que le coût de cette prestation résultant de l’initiative de Mme Y… n’était pas la conséquence de la faute de la société, a légalement justifié sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 juin 2017, 16-19.185, Publié au bulletin ; « En se déterminant ainsi, tout en constatant que la réalité de la dépense des frais complémentaires de rédaction d’une note technique était établie et qu’ils relevaient de la mission d’assistance de l’expert, la cour d’appel qui n’a pas expliqué en quoi ces frais seraient injustifiés ou excessifs, n’a pas donné de base légale à sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-10.356, Inédit
– Les pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) :
- Il s’agit de compenser les pertes de revenus, totales ou partielles, éprouvées par la victime du fait de son dommage jusqu’à sa consolidation.
- Les juges ne doivent pas se fonder sur la base de revenus hypothétiques : « Qu’en statuant ainsi, sur la base de revenus hypothétiques, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 3 juillet 2014, 13-22.416, Inédit
- Les juges doivent tenir compte de l’érosion monétaire (inflation) dans le calcul des sommes allouées à la victime : « La perte éprouvée ne peut être fixée qu’en fonction des pertes de gains professionnels perçus à l’époque de l’incapacité totale temporaire ou partielle de travail et les juges du fond doivent procéder, si elle est demandée, à l’actualisation au jour de leur décision de l’indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 mai 2010, 09-14.569, Publié au bulletin
- Les juges doivent déduire des PGPA les prestations réparant ce poste de préjudice et ouvrant droit à un recours subrogatoire de la part des tiers-payeurs : « Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les prestations servies par la société Allianz n’étaient pas des indemnités journalières de maladie et des prestations d’invalidité visées à l’article 29, 5° de la loi du 5 juillet 1985 et ouvrant droit à un recours subrogatoire par détermination de la loi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2016, 14-28.045, Inédit ; quand bien même le tiers-payeur renoncerait à son action subrogatoire : « Attendu que pour allouer à M. X… une certaine somme en réparation de sa perte de gains professionnels futurs, l’arrêt retient, après avoir évalué le poste de préjudice qu’en ce qui concerne les créances de la CARMF, celle-ci a indiqué ne vouloir exercer aucun recours contre le tiers responsable de l’accident et que la SMF est une mutuelle régie par le code des assurances et non un organisme de sécurité sociale ; que les créances de ces organismes ne doivent pas s’imputer sur les sommes allouées à M. X… ; Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, alors que tant la CARMF que la SMF avaient versé des prestations, si celles-ci, notamment les prestations d’invalidité, n’étaient pas de celles réputées indemnitaires par la seule application de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; »: Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 juin 2013, 12-14.685, Inédit ; « En statuant ainsi, sans évaluer préalablement ce poste de préjudice qui ne pouvait être confondu avec les rentes et pensions servies par la caisse des dépôts et consignations en vue de l’indemniser, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa dé» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 février 2020, 18-24.761, Inédit
21-2° Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)
– Les dépenses de santé futures (D.S.F.) :
- Il s’agit des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation. Ils sont postérieurs à la consolidation de la victime, dès lors qu’ils sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime après sa consolidation définitive : frais liés à des hospitalisations périodiques dans un établissement de santé, à un suivi médical assorti d’analyses, à des examens et des actes périodiques, des soins infirmiers, ou autres frais occasionnels, etc.. Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent, en outre, les frais liés soit à l’installation de prothèses, soit à la pose d’appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après la consolidation.
- « la réparation du préjudice d’agrément, de nature extra-patrimonial et consistant en l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions qu’avant l’accident, ne saurait exclure, par principe, le droit à l’indemnisation de dépenses de santé futures, destinées à acquérir et à renouveler une prothèse de sport permettant la pratique d’activités physiques, ces deux chefs de préjudice étant distincts » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 décembre 2019, 18-85.191, Publié au bulletin
– Les frais de logement adapté (F.L.A.) :
- Il s’agit des frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap. Ce poste d’indemnisation concerne le remboursement des frais que doit exposer la victime à la suite de sa consolidation, dans la mesure où les frais d’adaptation du logement, exposés à titre temporaire, sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste de préjudice « Frais divers ». Ce poste de préjudice inclut non seulement l’aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition. En outre, il est possible d’inclure au titre de l’indemnisation de ce poste de préjudice les frais de déménagement et d’emménagement, ainsi que ceux liés à un surcoût de loyer pour un logement plus grand découlant des difficultés de mobilité de la victime devenue handicapée. Enfin, ce poste intègre également les frais de structure nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d’un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée.
- « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’acquisition d’un logement mieux adapté était en relation avec l’accident pour avoir été rendue nécessaire à raison du handicap de la victime et du mode de vie qu’il lui impose, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 février 2017, 15-29.527, Inédit
- « Ne méconnaît pas le principe de la réparation intégrale la cour d’appel qui condamne un débiteur d’indemnisation au paiement des frais d’acquisition d’un terrain et de construction d’un logement adapté au handicap de la victime, après avoir constaté que ces frais étaient directement imputables aux séquelles provoquées par l’accident » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mai 2017, 16-15.912, Publié au bulletin
- Le juge du fond doit vérifier que l’acquisition d’un nouveau logement peut être préférable ou non pour la victime à la prise en charge du coût de travaux au sein d’une location : « statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de l’importance de ces travaux d’aménagement et du caractère provisoire de la location, l’acquisition d’un logement mieux adapté n’était pas nécessaire pour permettre à la victime de bénéficier de manière pérenne d’un habitat adapté au handicap causé par l’accident, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 mai 2019, 18-16.651, Inédit
- « la cour d’appel, qui a apprécié souverainement les conclusions expertales et les preuves produites aux débats par M. P… lui-même, les besoins d’assistance par une tierce personne, ainsi que d’aménagements du logement en lien de cause à effet avec l’accident survenu, a justifié sa décision ; » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 novembre 2019, 18-85.549, Inédit
– Les frais de véhicule adapté (F.V.A.)
- Il s’agit des dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent, en incluant le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien. En revanche, les frais liés à l’adaptation, à titre temporaire, du véhicule avant la consolidation de la victime ne sont pas à intégrer, car ils sont provisoires et déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste « Frais divers ». En outre, ce poste doit inclure non seulement les dépenses liées à l’adaptation d’un véhicule mais aussi le surcoût d’achat d’un véhicule susceptible d’être adapté. Enfin, il est également possible d’assimiler à ces frais d’adaptation du véhicule, les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d’accessibilité aux transports en commun, survenues depuis le dommage.
- « Que la victime atteinte d’un handicap permanent doit être indemnisée des dépenses qu’elle a engagées ou qu’elle engagera après la date de consolidation afin de procéder à l’adaptation d’un ou plusieurs véhicules conformément à ses besoins ; que les frais de véhicule adapté auxquels peut prétendre la victime et inhérents à l’équipement du véhicule au moyen d’un dispositif technique permettant son utilisation malgré le handicap ne sont pas subordonnés à la condition que la victime conduise elle-même le véhicule ; que dès lors, en l’espèce, en refusant d’indemniser M. Simon X… motif pris de ce que celui-ci n’avait pas son permis de conduire, la cour d’appel a derechef méconnu le principe de la réparation intégrale, en violation de l’article 1382 du code civil » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 février 2017, 15-29.527, Inédit
- L’évaluation doit être actualisée avec des factures récentes :« Qu’en se déterminant ainsi, en fixant pour l’avenir les frais de véhicule adapté sur la base d’un coût d’aménagement évalué en 2002, sans examiner la facture récente dont se prévalait Mme F… R…, ès qualités, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 18-24.834, Inédit
– L’assistance par tierce personne (A.T.P.)
- Il s’agit des dépenses liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’ Elles constituent des dépenses permanentes qui ne se confondent pas avec les frais temporaires que la victime peut être amenée à débourser durant la maladie traumatique, lesquels sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste Frais divers.
- « Les juges du fond apprécient souverainement le mode de réparation du dommage résultant de l’infraction ; ils peuvent ainsi allouer à la partie civile une indemnité sous forme de rente, au lieu du capital demandé par celle-ci, au titre du préjudice découlant de son incapacité permanente partielle. » : Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 19 juin 1996, 95-82.631, Publié au bulletin
- « C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des modalités d’assistance de la victime par une tierce personne que la cour d’appel, qui n’avait pas à entrer dans le détail de l’argumentation des parties a estimé, sans méconnaître le principe de réparation intégrale, que le service mandataire était préférable au service prestataire » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 décembre 2009, 08-21.642, Inédit
- « Le poste de préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne indemnise la perte d’autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d’un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie courante. Dès lors, encourt la cassation, l’arrêt qui alloue à un enfant devenu orphelin à la suite d’un accident mortel de la circulation une indemnité en réparation du préjudice lié à la nécessité de recourir à une tierce personne, au motif qu’en raison du décès de ses parents l’enfant a besoin d’un accompagnement, sans constater que l’enfant avait présenté à la suite de cet accident un déficit fonctionnel réduisant son autonomie» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 février 2013, 11-25.446 11-25.927, Publié au bulletin
- « C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain qu’une cour d’appel, tenue d’assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, fait application du barème de capitalisation qui lui paraît le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 décembre 2015, 14-27.243 14-27.244, Publié au bulletin
- « Mais attendu qu’ayant souverainement retenu que la victime avait été en appartement thérapeutique de juin 1996 à mars 1999 et qu’aucun frais n’était resté à sa charge dans ce cadre, la cour d’appel a pu rejeter la demande d’indemnisation pour ce chef de préjudice portant sur cette période » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 décembre 2015, 14-27.209, Inédit
- « Attendu que, pour évaluer la rente annuelle due par M. X… au titre de l’assistance par tierce personne à compter de la consolidation, la cour d’appel multiplie par trois cent soixante-cinq jours le coût d’assistance quotidien proposé par les parties civiles ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui sollicitait la déduction des jours durant lesquels Philippe Z… serait pris en charge au sein d’un établissement spécialisé, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; D’où il suit que la cassation est encourue » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 mars 2016, 15-80.906, Inédit
- « Attendu que le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance d’un membre de la famille, ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 mai 2017, 16-16.885, Inédit
- Le juge du fond est souverain pour apprécier les besoins de la victime en tenant compte des moyens techniques favorisant l’autonomie (télé-surveillance, domotique, etc.), sans présence permanente d’une personne : « le moyen ne tend, en ses deux branches, qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation le pouvoir souverain d’appréciation de la cour d’appel qui a estimé notamment qu’il résultait de l’avis expertal que le degré d’autonomie atteint par M. X… n’induisait pas un besoin d’assistance intégrale vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 septembre 2018, 17-20.968, Inédit
- « Vu l’article 624 du code de procédure civile ; Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l’assureur qui soutenaient que cette rente devait être suspendue en cas de placement de Mme Z... « dans une structure de type hospitalier et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occasionnel ou non pour une durée supérieure à trente jours », la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 janvier 2019, 17-25.629, Inédit
- « Mais attendu qu’ayant exactement relevé que la tierce personne apporte à la victime l’aide lui permettant de suppléer sa perte d’autonomie tout en restaurant sa dignité, la cour d’appel, qui, en dépit d’une maladresse d’expression, n’a pas limité l’indemnisation de ce poste de préjudice à l’impossibilité d’accomplir certains seulement des actes de la vie courante, a, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, souverainement déterminé l’étendue de ce poste de préjudice et les modalités propres à en assurer la réparation pour le futur » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 mai 2019, 18-16.651, Inédit
- « Mais attendu qu’ayant souverainement retenu qu’au jour où elle statuait M. P… était accueilli selon un contrat à durée indéterminée au sein d’un centre d’hébergement spécialisé nécessaire pour son intégration sociale et l’exercice d’une activité occupationnelle et que son besoin d’assistance était entièrement pris en charge par ce centre, hormis pour les périodes durant lesquelles il séjournait dans sa famille, la cour d’appel a pu retenir qu’il n’existait un préjudice indemnisable au titre de l’assistance par une tierce personne que durant ces périodes de séjour en famille» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 juin 2019, 18-19.682, Inédit
- « Ayant relevé que la persistance des gênes fonctionnelles douloureuses des deux poignets et du coude droit invoquées par M. W… au soutien de sa demande d’allocation d’une indemnité pour l’aide par une tierce personne n’était pas de nature à le rendre tributaire d’une aide pour restaurer sa dignité ou suppléer sa perte d’autonomie, la cour d’appel qui, en dépit d’une maladresse d’expression, n’a pas limité l’indemnisation de ce poste de préjudice à l’impossibilité d’accomplir certains seulement des actes de la vie courante, a souverainement estimé qu’aucune indemnisation n’était due à ce titre pour la période postérieure au 30 juillet 1998 » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 25 juin 2020, 19-18.263, Inédit
– Les pertes de gains professionnels futurs (P.G.P.F.)
- Il s’agit d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. L’invalidité peut être partielle ou totale dès lors qu’elle entraîne une perte ou une diminution directe des revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour celle-ci d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement d’affectation qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage. En outre, concernant les jeunes victimes ne percevant pas à la date du dommage de gains professionnels, est pris en compte pour l’avenir la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation.
- Lorsque l’indemnisation de la perte de droits à la retraite est demandée au titre du poste perte de gains professionnels futurs, Les juges du fond doivent évaluer cette perte en tant que telle bien que la perte des droits à la retraite relève en principe de « l’incidence professionnelle » (sur ce préjudice voir infra) : « Qu’en statuant ainsi, sans s’expliquer sur la valeur probante des pièces produites au soutien de cette demande par M. X…, à savoir un tableau récapitulatif de trimestres émanant du RSI, et sans répondre aux conclusions de M. X… soutenant que sa demande à hauteur de 24 348 euros correspondant à la valeur de rachat de six trimestres de cotisations de retraite qu’il n’avait pu valider en raison de ses arrêts de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et du principe susvisé ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 novembre 2012, 11-25.599, Inédit
- « Attendu que pour évaluer à la somme de 245 376,43 euros le préjudice de perte de chance de percevoir la pension de retraite à laquelle Mme X… aurait pu prétendre, l’arrêt énonce qu’à la suite de l’accident du 19 novembre 2006, elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2010, année de ses 50 ans, alors que la limite d’âge pour sa catégorie d’emploi est fixée à 65 ans ; que, dans l’impossibilité de poursuivre son activité professionnelle jusqu’à l’âge de 65 ans, elle supporte une perte de chance de percevoir la retraite à laquelle elle aurait été en droit de prétendre à cette date ; que celle-ci ne doit pas être calculée à compter du 1er janvier 2010 alors qu’elle était âgée de 49 ans, comme elle le soutient, mais à compter de ses 65 ans, comme l’a fait le tribunal ; que c’est donc à bon droit que le tribunal, sur la base d’un salaire annuel antérieur à l’accident de 15 945,96 euros et d’un prix d’euro de rente viagère de 15 388 euros pour une femme de 65 ans, a fixé ce poste de préjudice à la somme de 245 376,43 euros ; Qu’en statuant ainsi, alors que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 septembre 2014, 13-10.414, Inédit
- « Ne répare pas un préjudice virtuel et hypothétique mais un dommage certain, une cour d’appel qui alloue à une victime d’infractions une indemnité au titre de l’incidence professionnelle en relevant qu’elle était âgée de 18 ans au moment des faits, et qu’au vu de son parcours scolaire, elle pouvait prétendre à un emploi rémunéré au SMIC » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 25 juin 2015, 14-21.972, Publié au bulletin
- « Vu l’article 4 du code de procédure civile ; Attendu que pour évaluer les pertes de gains professionnels futurs subies par M. X…, l’arrêt énonce qu’en l’absence des états de service de ce dernier, rien ne permet de connaître sa carrière prévisible, de sorte que la perte de revenu sera évaluée sur la base du salaire à la date de la radiation et jusqu’à la date de la retraite ; Qu’en statuant ainsi, alors que l’intéressé avait régulièrement produit une attestation de la direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale décrivant précisément l’évolution de carrière qui aurait dû être la sienne ainsi que le montant des soldes correspondant à chaque grade et portant le numéro 41 sur le bordereau récapitulatif annexé à ses conclusions, la cour d’appel a dénaturé par omission ce document et violé le texte susvisé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 décembre 2016, 15-26.195 15-28.180, Inédit
- « qu’en statuant ainsi, la cour d’appel qui a, sans insuffisance, ni contradiction, souverainement apprécié l’absence de lien de causalité entre la baisse de revenus de la partie civile avec l’agression dont celle-ci a été victime, a justifié sa décision ; » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 mars 2017, 15-86.241, Inédit
- « Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’elle avait constaté que Mme Z… occupait déjà un emploi à temps partiel avant l’accident, sans rechercher si elle avait subi une diminution de salaire consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle était confrontée dans sa sphère professionnelle à la suite du dommage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 janvier 2018, 17-10.648, Inédit
- « Vu l’article 455 du code de procédure civile ; […] Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X… qui faisait valoir qu’ayant été privée de ses meilleures années de cotisation les conséquences de l’accident sur ses droits à la retraite devaient également être pris en compte au titre de l’incidence professionnelle, la cour d’appel, qui n’a pas indemnisé, à un autre titre, la perte alléguée de ces droits, a méconnu les exigences du texte susvisé ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 mai 2018, 17-17.962, Inédit
- « Qu’en statuant ainsi, sans avoir constaté que subsistait, après la consolidation de l’état de Mme N… et pendant les cinq années suivantes, une incapacité permanente mettant celle-ci dans l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle ou en limitant la possibilité, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 18-10.716, Inédit
- « attendu qu’après avoir fixé par voie d’estimation la perte de gains professionnels futurs de M. G… R… liée à l’impossibilité d’exercer toute activité professionnelle, la cour d’appel a exactement relevé que la privation de toute activité professionnelle était prise en charge au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel inclut la perte de qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, pour en déduire à bon droit qu’il n’y avait pas lieu de retenir l’existence d’une incidence professionnelle distincte de la perte de revenus déjà indemnisée» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 17-25.855, Publié au bulletin
- « Et attendu qu’en indemnisant la perte de gains professionnels futurs résultant de la baisse de revenus générée par l’accident, la cour d’appel a réparé un préjudice distinct de l’incidence professionnelle liée à la dévalorisation de la victime sur le marché du travail» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 18-18.779, Inédit
– L’incidence professionnelle (I.P.)
- Il s’agit de compléter l’indemnisation déjà obtenue par la victime au titre du poste « pertes de gains professionnels futurs » en évitant une double indemnisation du même préjudice.
- L’IP a d’abord pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap. S’inscrivent également à ce poste de préjudice les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par la sécurité sociale et/ ou par la victime elle-même.
- Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite. Ces pertes de gains professionnels ne peuvent qu’être estimées pour les enfants ou les adolescents qui ne sont pas encore entrés dans la vie active.
- La liste des préjudices à intégrer dans ce poste est indicative : ainsi, peut, par exemple, être prévue une indemnisation, au titre de ce poste, de la mère de famille sans emploi pour la perte de la possibilité, dont elle jouissait avant l’accident, de revenir sur le marché du travail.
- Le principe : « attendu qu’après avoir fixé par voie d’estimation la perte de gains professionnels futurs de M. G… R… liée à l’impossibilité d’exercer toute activité professionnelle, la cour d’appel a exactement relevé que la privation de toute activité professionnelle était prise en charge au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel inclut la perte de qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, pour en déduire à bon droit qu’il n’y avait pas lieu de retenir l’existence d’une incidence professionnelle distincte de la perte de revenus déjà indemnisée» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 17-25.855, Publié au bulletin ;
- L’exception : « Attendu que, d’une part, le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; Attendu, d’autre part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour rejeter la demande de M. T… au titre de l’incidence professionnelle, l’arrêt retient que celle-ci a pour objet d’indemniser les difficultés de reclassement professionnel et suppose la possibilité de poursuite d’une profession et qu’en l’espèce, il a été retenu que M. T… n’était plus en capacité de poursuivre une activité professionnelle, les indemnités allouées par ailleurs ou au titre de la perte de gains professionnels futurs ou les indemnités déjà allouées ayant pour objet de l’indemniser de ce chef de préjudice ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi alors que M. T… sollicitait, au titre de l’incidence professionnelle, l’indemnisation d’un préjudice distinct de la perte de gains professionnels futurs et découlant de la situation d’anomalie sociale dans laquelle il se trouvait du fait de son inaptitude à reprendre un quelconque emploi ; D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 mai 2019, 18-81.035, Inédit ;
- Exemple d’un rappel récent de la définition de l’incidence professionnelle : « Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 mai 2019, 18-14.839, Inédit ;
- « La cour d’appel, qui répare au titre de l’incidence professionnelle la perte de chance de promotion professionnelle de la victime, indemnise un préjudice distinct de celui réparé au titre de la perte de gains professionnels futurs calculée au vu de son ancien salaire qui n’intégrait pas l’évolution de carrière qu’il aurait pu espérer» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 mai 2019, 18-17.560, Publié au bulletin
- « Pour condamner l’assureur à verser à Mme Q… la somme de 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle, l’arrêt énonce que ce préjudice ne peut pas être calculé sur la base de la prétention de la victime de la totalité de la différence de salaire avec un temps complet puis, après la perte de son emploi, d’un euro de rente viagère calculé sur le complément de son allocation adulte handicapé. L’arrêt en déduit qu’il convient de faire une appréciation forfaitaire de l’indemnisation de la perte de chance professionnelle en relation avec une plus grande pénibilité du travail./ En statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être appréciée de manière forfaitaire, la cour d’appel a violé le principe susvisé. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-13.222, Inédit
– Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation (P.S.U.)
- Il s’agit de réparer la perte d’année(s) d’études que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe. Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail.
- « Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation, poste de préjudice corporel, a notamment pour objet de réparer la perte d’années d’étude consécutive à la survenance du dommage» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 avril 2009, 08-15.977, Publié au bulletin
- « La cour d’appel, qui a indemnisé un préjudice universitaire constitué par les modifications successives d’orientation nécessitées par le handicap de la victime, non couvert au titre du livre IV du code de la sécurité sociale, a légalement justifié sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mai 2017, 16-11.190, Inédit
- « Attendu que pour débouter M. G… R…, représenté par ses tuteurs, M. et Mme R…, de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice scolaire, universitaire ou de formation, l’arrêt retient que l’impossibilité pour celui-ci d’avoir un cursus scolaire est d’ores et déjà prise en compte par l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent ; Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice scolaire, universitaire ou de formation constitue un poste de préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent et qu’il ressortait de ses propres constatations que la victime était dans l’impossibilité de suivre une scolarité, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 17-25.855, Publié au bulletin
22° Préjudices extrapatrimoniaux
22-1° Préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation)
– Le déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.)
- Il s’agit d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime, déjà réparée au titre du poste perte de gains professionnels actuels. À l’inverse, elle va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la « perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante » que rencontre la victime pendant la maladie traumatique : séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.
- « Pour allouer à Mme O… la somme de 6 624 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, l’arrêt, après avoir relevé que l’intéressée expliquait avoir ressenti des troubles importants dans ses conditions d’existence pendant une période excédant celle des arrêts de travail « explicités » par l’expert, retient que ce dernier, à qui il était demandé de dire si l’incapacité de travail avait été totale ou si une reprise partielle était intervenue, n’a retenu que des périodes d’incapacité / En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme O… qui soutenait que l’expert n’avait listé que les périodes d’arrêt de travail alors que cette notion ne devait pas être confondue avec celle de déficit fonctionnel temporaire, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 février 2020, 18-26.779, Inédit
- La distinction entre la notion pénale d’ITT et civile de DFT : « L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s’étendant qu’à ce qui a été nécessairement décidé par le juge répressif quant à, notamment, la qualification du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, elle ne fait pas obstacle à ce que, en matière de violences, le juge de l’indemnisation retienne, pour l’application des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale, une durée d’incapacité totale de travail personnel supérieure à celle de l’incapacité totale de travail (ITT) retenue par le juge répressif, l’étendue du préjudice subi par la victime ne constituant pas le soutien nécessaire de la condamnation pénale en ce qu’elle excède ce qui a été retenu au soutien de cette dernière.» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 mars 2020, 19-12.720, Publié au bulletin
– Les souffrances endurées (S.E.)
- « Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent [DFP] et seront donc indemnisées à ce titre ».
- « Attendu que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l’hépatite C comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale ; qu’il inclut notamment les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l’espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances ; qu’il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination ; qu’il comprend également les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ; qu’il comprend enfin les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément provoqués par les soins et traitements subis pour combattre la contamination ou en réduire les effets ./ Attendu qu’en condamnant les consorts Y… à payer à Mme Z… une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination incluant les souffrances, la cour d’appel a réparé deux fois les éléments d’un même préjudice et violé le texte et le principe susvisés» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 novembre 2018, 17-28.272, Publié au bulletin
- « attendu que la cour d’appel a exactement retenu que les douleurs et la gêne éprouvées par la victime dans le cadre professionnel avant la consolidation relèvent des souffrances endurées et ne doivent pas donner lieu à une indemnisation autonome» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 18-23.556, Inédit
- Le préjudice avilissement est inclus dans souffrances endurées ou déficit fonctionnel permanent : « le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent [DFP], il ne peut être indemnisé séparément quelle que soit l’origine de ces souffrances » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 19-10.162, Inédit
– Le préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)
- Il s’agit d’indemniser les atteintes physiques, voire l’altération de l’apparence physique, temporaire mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liées à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, présent notamment chez les grands brûlés ou les traumatisés de la face.
- La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que le préjudice esthétique temporaire se confond avec le préjudice esthétique permanent quand celui-ci a pris naissance dès le fait générateur : alors que le requérant faisait valoir « qu’en assimilant les préjudices esthétiques subis avant et après consolidation pour refuser toute indemnisation du chef de préjudice esthétique temporaire, quand il était établi que la victime avait bien subi, au cours de son très long parcours médical, une altération temporaire de son état physique au regard des tiers jusqu’à la consolidation, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen », la chambre criminelle a jugé « qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice esthétique résultant pour la partie civile de l’infraction, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 février 2014, 12-87.629, Publié au bulletin.
- La chambre civile de la Cour de cassation a une position différente, comme le montrent les arrêts suivants :
- « Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle relevait, s’agissant du préjudice esthétique permanent, que le même expert avait, pour l’évaluer, tenu compte de l’existence de cicatrices opératoires et de la déformation de l’extrémité inférieure de l’avant-bras gauche, ce dont il résultait que dès avant la consolidation de ses blessures, M. X… présentait une altération de son apparence physique, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe susvisé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 avril 2017, 16-17.127, Inédit
- « Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice esthétique temporaire est un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent, et qu’il ressortait de ses propres constatations l’existence d’une altération de l’apparence de la victime avant la date de la consolidation de son état de santé, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 17-25.855, Publié au bulletin
22-2° Préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation)
– Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.)
- Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime, soit, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation. En outre, ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation. En raison de son caractère général, ce déficit fonctionnel permanent ne se confond pas avec le préjudice d’agrément, lequel a pour sa part un objet spécifique en ce qu’il porte sur la privation d’une activité déterminée de loisirs »
- « Attendu que le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; Attendu que pour débouter M. V… de sa demande formée au titre du préjudice d’agrément après avoir fait état de ce que les experts qui l’avaient examiné avaient relevé que la reprise du « foot » était impossible, que la reprise du « footing » était déconseillée ainsi que tous les sports nécessitant des torsions du tronc, l’arrêt retient qu’il est constant que la perte de la qualité de vie liée à l’impossibilité de pratiquer des sports est prise en considération dans le déficit fonctionnel permanent ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que M. V… se trouvait, à la suite de l’accident litigieux, dans l’impossibilité de continuer à pratiquer des activités spécifiques sportives ou de loisirs, la cour d’appel a violé le principe susvisé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 octobre 2019, 18-19.653, Inédit
- « Qu’une précédente indemnisation sur la base d’un taux d’incapacité de 100% ne fait pas obstacle à la réparation d’une aggravation des préjudices» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 octobre 2019, 18-20.818, Inédit
- « Attendu que le préjudice d’établissement, consistant en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, est distinct du déficit fonctionnel permanent ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2019, 18-10.794, Inédit
- DFP et recours des tiers payeurs : « En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si l’indemnité de réparation de l’atteinte à l’intégrité physique versée par l’organisme social suisse, ne réparait pas d’autres préjudices à caractère personnel subis par la victime que ceux correspondant au déficit fonctionnel permanent, question préalable à celle de l’assiette du recours du tiers payeur selon la nomenclature française des postes de préjudice, la cour d’appel n’a pas justifié sa dé» : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 31 mars 2020, 19-80.428, Inédit
– Le préjudice d’agrément (P.A.)
- Définition : il s’agit de réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.) »
- Des attestations peuvent suffire : « Pour rejeter la demande en indemnisation du préjudice d’agrément de M. H…, l’arrêt, après avoir constaté que l’expert avait relevé que la victime éprouvait une gêne avec impossibilité de pratiquer le football, retient que le préjudice d’agrément n’est indemnisé que si la victime est en mesure de rapporter la preuve qu’elle ne peut plus pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs, que M. H… ne justifie nullement d’une telle pratique habituelle du football, si ce n’est à l’occasion de rencontres amicales, et qu’en l’absence de document établissant sa fréquentation habituelle d’une salle de sports, de musculation, d’un club de sport ou d’un stade d’entraînement, les attestations produites sont insuffisantes pour justifier l’indemnisation qu’il sollicite./ En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 février 2020, 19-10.572, Inédit
- « Après avoir exactement rappelé que le préjudice d’agrément vise à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, qu’il concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenus impossibles ou limitées en raison des séquelles de l’accident, et qu’il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, c’est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des attestations soumises à son examen, que la cour d’appel a, par une décision motivée, estimé que la preuve de ce préjudice n’était pas rapporté» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-10.356, Inédit
- « Le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure. / Pour condamner l’employeur à verser aux ayants droits de la victime une somme de 40 000 euros au titre du préjudice d’agrément subi par leur auteur, l’arrêt se borne à énoncer qu’après avoir analysé l’ensemble des postes de préjudices sollicités par les ayant droits, la cour estime, au vu des nombreux témoignages et éléments médicaux versés que le tribunal a procédé à une juste indemnisation, dont les montants seront en conséquence confirmé/ En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’existence et l’étendue du préjudice d’agrément qu’elle entendait réparer, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 mai 2020, 19-10.680, Inédit
– Le préjudice esthétique permanent (P.E.P.)
- Il s’agit d’indemniser les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime, notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage. Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important)
- « Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice esthétique temporaire est un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent, et qu’il ressortait de ses propres constatations l’existence d’une altération de l’apparence de la victime avant la date de la consolidation de son état de santé, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 17-25.855, Publié au bulletin
– Le préjudice sexuel (P.S.)
- Il s’agit de réparer trois types de préjudice de nature sexuelle : le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ; le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ; le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.) ».
- L’indemnisation du préjudice moral du mari en cas d’infertilité de l’épouse intègre le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement : « Attendu qu’après avoir indemnisé le préjudice moral éprouvé par M. S… ayant consisté à devoir accompagner et soutenir son épouse tout au long de son parcours de procréation médicalement assistée, à s’y soumettre également lui-même, à entourer celle-ci durant une grossesse difficile et à risques, à l’aider à surmonter les fausses couches auxquelles elle été confrontée et finalement à renoncer lui-même à l’espoir d’avoir un second enfant avec elle, l’arrêt alloue, en outre, à M. S… une indemnité au titre d’un préjudice sexuel et de procréation, en raison de sa difficulté à procréer et de l’impossibilité d’avoir un second enfant biologique ; Qu’en statuant ainsi, en allouant au surplus de l’indemnisation du préjudice moral, un préjudice sexuel et de procréation, la cour d’appel a réparé deux fois le fait pour M. S… d’avoir dû renoncer à avoir un second enfant et violé le texte et le principe susvisés » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 juin 2019, 18-16.236, Inédit
- « En relevant, lorsqu’elle établit le préjudice sexuel de Mme C… et son absence de vie sexuelle après les faits, l’amour platonique qu’elle portait à M. R…, circonstances sans rapport avec le comportement de M. D… et pouvant expliquer, serait-ce partiellement, une telle abstinence, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de s’assurer qu’elle a accordé une réparation sans perte ni profit pour la partie civile ; Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour Mme C… de l’infraction, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction » : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 septembre 2019, 18-85.919, Inédit
- « Attendu que pour fixer à 40 000 euros la somme due à M. W… au titre des souffrances endurées et à 20 000 euros la somme due au titre du préjudice sexuel et d’établissement, l’arrêt retient qu’il importe peu que la preuve de la consolidation médico-légale de l’état de la victime ne soit pas aujourd’hui rapportée puisque les souffrances endurées sont indemnisées au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires avant consolidation ; que le préjudice sexuel, qui s’apparente davantage à un préjudice spécifique d’établissement caractérisé par la perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale, est également indemnisable en complément des souffrances endurées quelle que soit la date de consolidation ; Qu’en statuant ainsi, alors que la fixation de la date de consolidation était indispensable pour évaluer ces postes de préjudices temporaire et permanent, la cour d’appel a violé le principe susvisé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 3 octobre 2019, 18-19.332, Inédit
– Le préjudice d’établissement (P.E.)
- Il s’agit d’indemniser « “la perte d’espoir et de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale (se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc.) en raison de la gravité du handicap. Ce type de préjudice doit être apprécié in concreto pour chaque individu en tenant compte notamment de son âge” ».
- « Attendu que pour débouter Mme M… de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’établissement, l’arrêt retient que s’il apparaît, à la lecture de ses dires, constatés par des expertises, que l’infraction dont elle a été victime a effectivement une incidence sur sa vie de famille, le préjudice d’établissement ne peut être retenu en raison du fait que Mme M… a d’ores et déjà fondé une famille puisqu’elle est mère de quatre enfants dont elle a pu assurer l’éducation ; qu’en conséquence, elle ne justifie pas d’un tel préjudice ; Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme M… ne pouvait plus réaliser un nouveau projet de vie familiale, alors qu’elle constatait que son mari était décédé, et que le préjudice d’établissement recouvre, en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un tel projet de vie familiale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 juillet 2019, 18-19.592, Inédit
- « Attendu que le préjudice d’établissement, consistant en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, est distinct du déficit fonctionnel permanent ; Attendu que, pour rejeter la demande de réparation formée par Mme X… au titre d’un préjudice d’établissement, après avoir retenu que celle-ci se trouvait dans l’impossibilité de procréer, l’arrêt relève que ce préjudice répare la perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, et que l’impossibilité de procréer a été réparée au titre du déficit fonctionnel permanent et ne peut être assimilée à un handicap ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2019, 18-10.794, Inédit
- « Attendu qu’ayant retenu que Mme P… avait perdu tout espoir de fonder une famille en raison des pathologies dont elle est victime du fait de son exposition au DES, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un préjudice d’établissement éprouvé par l’intéressée » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 décembre 2019, 19-11.862, Inédit
– Les préjudices permanents exceptionnels (P.P.E.)
- Il s’agit de réparer les préjudices atypiques qui sont directement liés aux handicaps permanents, dont reste atteinte la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation, sachant que l’indemnisation a un caractère exceptionnel, lié soit à la nature des victimes, soit aux circonstances ou à la nature de l’accident à l’origine du dommage.
- Appréciation logiquement très restrictive de la Cour de cassation et des juges du fond : « Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve, a pu décider que l’existence d’un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du poste de préjudice extrapatrimonial du déficit fonctionnel permanent par ailleurs indemnisé n’était pas établie» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 décembre 2011, 10-26.386, Inédit
- « Vu l’article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; Attendu que le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats ; Attendu que, pour fixer à une certaine somme l’indemnité devant être versée à M. X… au titre du préjudice extra-patrimonial, l’arrêt énonce notamment que le préjudice permanent exceptionnel sera réparé par l’allocation d’une indemnité, le rapport d’expertise judiciaire soulignant l’impact psychologique des séquelles visibles sur la vie affective et familiale de la victime ; Qu’en statuant ainsi, sans caractériser l’existence d’un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique par ailleurs indemnisés, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 janvier 2014, 13-10.566, Publié au bulletin
- « Attendu que le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extrapatrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 septembre 2014, 13-10.691, Inédit
22-3° Préjudices extrapatrimoniaux évolutifs (hors consolidation)
- Les préjudices liés à des pathologies évolutives (P.EV.)
- Il s’agit ici d’indemniser « le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d’apparition à plus ou moins brève échéance d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital »
- La Cour de cassation n’a pas encore mentionné ce poste de préjudice. En revanche elle se réfère à un « risque de contamination » : Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d’une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; Attendu que, pour fixer l’indemnité allouée à Mme Z… au titre du préjudice spécifique de contamination, l’arrêt relève que, si elle est considérée comme guérie et n’a pas à ce jour présenté de déclaration de la maladie, la crainte de cette maladie et des affections opportunistes, présente depuis quatorze ans, est destinée à se poursuivre ; Qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser l’existence, après la date de la guérison, d’un risque d’altération de l’état de santé lié à la contamination, justifiant la réparation d’un tel préjudice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 novembre 2018, 17-28.272, Publié au bulletin
23° Le développement de postes de « préjudices autonomes »
23-1° La Cour de cassation rejette certains postes de préjudices créés par les juges du fond : c’est le cas notamment du « préjudice d’avilissement » (v. n° ) rejeté au motif que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés sont inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées (SE) ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent (DFP) : Cass, 2ème civ., 13 décembre 2018 n°18-10276 et Cass, 2ème civ., 13 décembre 2018 n°17-28716.
23-2°. Mais la Cour de cassation a reconnu le préjudice moral autonome d’« impréparation » distinct de « la perte de chance » :
- Si la seule faute du médecin consiste à avoir fait perdre à la victime des chances de survie, il ne peut être condamné à réparer l’intégralité du dommage résultant du décès : Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 27 mars 1973, 71-14.587, Publié au bulletin : le médecin ne peut être condamné à indemniser qu’une fraction du préjudice subi ;
- « Dans le cas où la faute du médecin a fait perdre au malade la chance d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à une infirmité, le dommage qui résulte pour lui de cette perte de chance est fonction de la gravité de son état réel et de toutes les conséquences en découlant. Il incombe, dès lors, seulement à la victime de préciser à quel montant elle évalue la totalité des préjudices afférent à son état, l’office du juge consistant alors à en apprécier le bien-fondé et à déterminer, par une appréciation souveraine, la fraction de ces préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter si le médecin n’avait pas commis une faute.» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 8 juillet 1997, 95-17.076, Publié au bulletin
- « Dans le cas où la faute du médecin a fait perdre au patient la chance d’échapper à une atteinte à son intégrité physique, le dommage qui en résulte pour lui est fonction de la gravité de son état réel et de toutes les conséquences en découlant et sa réparation ne se limite pas au préjudice moral mais correspond à une fraction des différents chefs de préjudice qu’il a subis. Il s’ensuit que les tiers payeurs peuvent exercer leur recours sur la somme allouée à la victime en réparation de la perte de chance d’éviter une atteinte à son intégrité physique, à l’exclusion de la part d’indemnité de caractère personnel.» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 29 juin 1999, 97-14.254, Publié au bulletin
- La Cour de cassation concluait à l’absence d’indemnisation du patient pour perte de chance en cas de défaut d’information concernant un risque opératoire grave si les juges du fond estimaient que ce patient, eût-il été bien informé, aurait consenti à l’opération au cours de laquelle le risque s’est réalisé : « Le praticien, qui manque à son obligation d’informer son patient des risques graves inhérents à un acte médical d’investigations ou de soins, prive ce dernier de la possibilité de donner un consentement ou un refus éclairé à cet acte. Dès lors, il est de l’office du juge de rechercher, en prenant en considération l’état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, les effets qu’aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus. », Cour de cassation, Chambre civile 1, du 20 juin 2000, 98-23.046, Publié au bulletin : affaire relative au défaut d’information du patient d’un risque grave de perforation intestinale inhérent à une coloscopie avec ablation d’un polype, risque qui s’était réalisé ; l’arrêt attaqué a relevé que M. X…, dont le père était mort d’un cancer du côlon, souhaitait se débarrasser de troubles intestinaux pénibles et de craintes pour l’avenir, que la rectocolite dont il était atteint favorisait la survenue d’un cancer et que le polype découvert devait être enlevé compte tenu du risque de dégénérescence en cancer ; que c’est par une appréciation souveraine tirée de ces constatations que la cour d’appel a estimé qu’informé du risque de perforation, M. X… n’aurait refusé ni l’examen, ni l’exérèse du polype, de sorte qu’il ne justifiait d’aucun préjudice indemnisable ; »
- « s’il n’est pas établi que des soins administrés à temps eussent guéri le patient, l’absence ou le retard fautifs de diagnostic ou de traitement d’une affection ne peuvent être indemnisés qu’au titre de la perte de chance» : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 4 novembre 2003, 01-13.204, Publié au bulletin
- « Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable » : Cour de cassation, Chambre civile 1, du 21 novembre 2006, 05-15.674, Publié au bulletin.
- « La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 avril 2009, 08-15.977, Publié au bulletin
- La Cour de cassation conclut désormais à l’indemnisation du patient en cas de défaut d’information, dans tous les cas, dès lors que le patient était en état de consentir aux soins : « Il résulte des articles 16 et 16-3, alinéa 2, du code civil que toute personne a le droit d’être informée préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être accueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir. Dès lors, le non-respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice que le juge ne peut, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, laisser sans réparation» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 juin 2010, 09-13.591, Publié au bulletin
- « La perte certaine d’une chance, même faible, est indemnisable. » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 janvier 2013, 12-14.439, Publié au bulletin
- Puis la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un préjudice d’impréparation distinct de la perte de chance, mais ce préjudice d’impréparation n’était indemnisable que si le risque s’était réalisé : « Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte d’investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 janvier 2014, 12-22.123, Publié au bulletin
- Le défaut d’information sur le risque ne constitue un dommage que lorsque le risque s’est produit ; il est indemnisable en tant qu’il constitue une perte de chance laquelle « présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 janvier 2014, 12-22.123, Publié au bulletin
- « il résultait de ces constatations que le syndrome de la queue de cheval, à l’origine des troubles de Mme X…, était apparu dès après l’opération, et que le retard dans sa prise en charge avait seulement diminué les chances de cette dernière de ne conserver aucune séquelle neurologique ou de subir des séquelles moins graves, chances dont il lui appartenait de mesurer le pourcentage pour déterminer la fraction du dommage en lien de causalité certain et direct avec les fautes commises par M. Y…et la société Centre chirurgical Ambroise Paré » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1 octobre 2014, 13-23.581, Inédit
- « S’il ne peut être tenu pour certain qu’en l’absence de faute dans l’accomplissement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins, le dommage ne serait pas survenu, le préjudice subi s’analyse en une perte de chance d’échapper à ce dommage, correspondant à une fraction des différents chefs de préjudice, souverainement évaluée par les juges du fond » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 mars 2016, 14-25.636, Inédit
- « Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, qui, dès lors qu’il est invoqué, doit être réparé, de sorte que ces préjudices distincts peuvent être, l’un et l’autre, indemnisés» : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 janvier 2017, 15-27.898, Publié au bulletin
- « une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s’il peut être tenu pour certain que la faute n’a pas eu de conséquence sur l’état de santé du patient, le cour d’appel a violé le texte susvisé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 juillet 2017, 16-21.510, Inédit : une réparation ne peut donc être refusée qu’en prouvant qu’il est absolument certain que la faute n’a pas eu de conséquence sur l’état de santé du patient.
- Le défaut d’information constitue un préjudice d’impréparation qui peut se cumuler avec la perte de chance et avec la réparation de l’entier dommage corporel subi : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 janvier 2019, 18-10.706, Publié au bulletin : « Vu les articles 16 et 16-3, Alinéa 2, du code civil et L. 1111-2 du code de la santé publique ; Attendu que le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un accouchement par voie basse ou un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, auquel il a eu recours fautivement ou non, cause à celui auquel l’information était due, lorsque l’un de ces risques s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne ; qu’il incombe aux juges du fond d’en apprécier l’étendue au regard des circonstances et des éléments de preuve soumis ; Attendu que, pour rejeter la demande formée par M. X… et Mme Y… au titre d’un préjudice d’impréparation, l’arrêt retient que le défaut d’information en cause ne saurait être à l’origine ni pour les parents ni pour l’enfant d’un préjudice moral autonome d’impréparation aux complications de l’accouchement qui ne se sont réalisées que du fait de l’absence de recours à une césarienne, imputée à faute au gynécologue-obstétricien ; Qu’en statuant ainsi, alors que Mme Y… était fondée, en son nom personnel, à invoquer l’existence d’un préjudice d’impréparation, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
23-3° Le préjudice d’anxiété
- Le préjudice d’anxiété du salarié : Ass. Plén. 5 avril 2019 n° 18-17442 : le juge du fond peut l’indemniser à condition de bien l’identifier : « Viole les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la cour d’appel qui, pour allouer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d’anxiété, se détermine par des motifs généraux, sans caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave» : Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2019, 18-17.442, Publié au bulletin ;
- Le préjudice d’anxiété résultant d’une exposition in utero à un agent dangereux : la Cour de cassation admet que le préjudice d’anxiété peut être réparé en plus des « souffrances endurées » (SE) et du « déficit fonctionnel permanent (DFP) : « Mais attendu qu’après avoir indemnisé, d’une part, au titre des souffrances, les souffrances psychologiques subies par Mme S… liées à l’annonce de son infertilité, aux obstacles rencontrés pour avoir un enfant et à l’impossibilité d’en concevoir un second, ainsi que les souffrances physiques générées par les multiples interventions subies au long de ce parcours de procréation médicalement assisté, d’autre part, au titre du déficit fonctionnel permanent, les conséquences psychologiques consécutives à l’infertilité secondaire à l’exposition au DES et le syndrome dépressif dont souffre l’intéressée, l’arrêt retient que celle-ci éprouve, en outre, un préjudice d’anxiété consécutif à l’exposition in utero lié à la nécessité d’un suivi régulier au regard des risques majorés de présenter certaines pathologies notamment cancéreuses ; qu’ayant ainsi caractérisé un préjudice distinct de ceux qu’elle avait par ailleurs indemnisés, la cour d’appel a pu, sans méconnaître le principe de réparation intégrale, le réparer indépendamment des souffrances et du déficit fonctionnel permanent ; que le moyen n’est pas fondé » : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 juin 2019, 18-16.236, Inédit
23-4° Le préjudice d’angoisse de mort imminente :
- la 2è chambre civile de la Cour de cassation semble l’écarter en temps que préjudice autonome puisqu’elle le classe dans les « souffrances endurées » : Cass. 2e civ., 20 oct. 2016, n° 14-28866 : « La perte de sa vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime. Seul est indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine. Dès lors, c’est à bon droit qu’une cour d’appel a indemnisé les souffrances morales de la victime qui a eu la conscience inéluctable de l’imminence de son décès au seul titre des souffrances endurées»
- … alors que la chambre criminelle le reconnaît : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 septembre 2016, 15-84.238, Inédit : « Attendu que, pour condamner Mme X… à verser aux ayants droit de Robert Y… la somme de 15 000 euros en réparation d’un préjudice qualifié par les parties civiles » de vie abrégée « , l’arrêt relève qu’au regard des circonstances de l’accident, il est constant que Robert Y… a eu la perception du caractère inéluctable de la collision et ce dans les secondes qui l’ont précédée ainsi que de l’imminence de sa mort ; Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors qu’il ressort de motifs non repris au moyen que Robert Y… est demeuré conscient dans les minutes qui ont suivi l’accident, la cour d’appel, appréciant souverainement l’existence d’un préjudice lié pour la victime à l’angoisse d’une mort imminente, lequel est transmissible à ses héritiers, a justifié sa décision » ; Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 septembre 2016, 15-83.309, Publié au bulletin : « Attendu que, pour débouter la partie civile de sa demande tendant à l’indemnisation des souffrances morales et psychologiques nées de l’angoisse d’une mort imminente qu’aurait ressenties son mari entre la survenance de l’accident et celle de son décès, préjudice qui serait entré dans son patrimoine dont elle est devenue héritière, l’arrêt retient que Riadh Z… n’ayant pas repris conscience, n’avait pas pu se rendre compte de la gravité de son état et de l’imminence de sa mort ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état, la cour d’appel a justifié sa décision ; »