La mauvaise foi des gouvernements démocratiques affaiblit la ferveur des peuples pour leur démocratie

SYNTHÈSE n°5 : Eléments sur le droit de la responsabilité en cas de produits de santé défectueux et de développement de l’intelligence artificielle

1./ Le nouveau régime juridique des dispositifs médicaux, tels que les prothèses et certains logiciels 

Comme chacun sait, concernant les médicaments, « c’est la dose qui fait le poison », et, de ce fait, leur mise sur le marché ne peut avoir lieu qu’après délivrance d’une autorisation administrative prise soit au niveau européen, par la Commission européenne sur la base de l’avis du comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne des médicaments (EMA), soit en France par l’ANSM précitée.

Le traité de Rome créateur de la Communauté économique européenne (CEE) ne comprenait pas de disposition sur la santé mais les institutions communautaires ont argué du fait que « les disparités de certaines dispositions nationales » concernant les médicaments avaient « pour effet d’entraver les échanges des spécialités pharmaceutiques au sein de la Communauté et quelles [avaient] de ce fait une incidence directe sur l’établissement et le fonctionnement du marché commun », ce qui explique que la première directive sur les médicaments ait été prise dès 1965[1].

En droit français, les médicaments font partie des « produits de santé » (art. L 5111-1 à 5542-2 CSP[2]), catégorie qui comprend non seulement les produits pharmaceutiques mais aussi « les dispositifs médicaux » (DM), lesquels sont bien connus des chirurgiens, puisque les prothèses en font partie de même que d’innombrables objets et techniques auxquels les praticiens ont fréquemment recours : défibrillateurs cardiaques implantables, valves cardiaques, systèmes de stimulation cérébrale profonde, etc

Or, longtemps, le contrôle de la conformité technique des dispositifs médicaux fut très réduit car l’idée prévalait que la libre circulation des produits était la « mieux à même de doper le développement rapide de tout un pan d’innovations médicales et donc de l’industrie de la santé »[3]. Le premier cadre juridique fut posé tardivement, par la directive 90/385/CEE du Conseil du 20 juin 1990[4], concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs et la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993[5], relative aux dispositifs médicaux. Ces textes ont été complétés d’abord par la directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 1998[6], relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Mais des modifications furent ensuite apportées par d’autres textes et notamment la directive 2007/47/CE du 5 septembre 2007[7] qui a intégré les logiciels autonomes dans la catégorie des dispositifs médicaux, « dès lors qu’ils sont destinés à être utilisés spécifiquement à des fins médicales »[8], ce qui revêt une grande importance du fait de l’utilisation de ces logiciels dans les techniques d’intelligence artificielle utilisées en matière de santé (v. infra)

Mais la faiblesse du contrôle des produits de santé par les autorités sanitaires a été souvent mise en cause, alors surtout que la certification de ces produits dans un seul pays permettait leur commercialisation dans l’ensemble de l’UE. Ainsi en 2010 fut révélé le scandale des prothèses défectueuses PIP (Poly Implant Prothèse)[9], lequel, comme l’a reconnu le ministre des affaires sociales et de la santé, « a permis de mettre en lumière des insuffisances dans l’encadrement des dispositifs médicaux » et « a connu un retentissement important aussi bien au niveau national que communautaire » au point qu’« un “stress test’’, basé sur cette affaire, a notamment été effectué par la Commission européenne afin d’orienter sa future proposition de règlement révisant les textes communautaires »[10].

Finalement, c’est le 5 mai 2017 que furent publiés au Journal officiel de l’Union européenne deux règlements qui ont été élaborés sur le fondement des articles 114 et 168 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE[11])[12] : « applicable au 26 mai 2020, le premier établit le cadre juridique de la mise sur le marché et de la mise en service des dispositifs médicaux au sein de l’Union (règlement 2017/745), tandis que le second introduit un nouveau régime spécifique pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (règlement 2017/746) »[13]. Le législateur français a dû alors adapter le droit national : c’est sur l’habilitation accordée au gouvernement par la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique[14] qu’a été prise l’ordonnance n° 2022-582 du 20 avril 2022[15] portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux et modifiant le code de la santé publique. Le 13 juillet 2022 a été déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi de ratification de l’ordonnance. À l’heure où nous écrivons – 26 août 2022- ce texte n’est pas encore adopté par le Parlement mais il n’y a guère de raison pour qu’il ne le soit pas, alors surtout que les justiciables pourront invoquer directement les règlements européens devant les juridictions.

Comme le résume l’ANSM, la nouvelle réglementation européenne sur les dispositifs médicaux est plus contraignante pour les producteurs : « Il s’agit notamment de lobligation de mettre en place des évaluations et des investigations cliniques pour s’assurer de l’efficacité et de la sécurité d’utilisation de ces dispositifs au bénéfice du patient. D’autre part, la transparence des données a été renforcée grâce à une nouvelle base de données européenne Eudamed, qui contiendra des informations détaillées au sujet des dispositifs médicaux disponibles en Europe et permettra notamment de connaître les incidents déclarés ainsi que l’avancée des investigations cliniques. Enfin, les procédures dhabilitation des organismes notifiés en charge d’émettre les certificats de marquage CE et la surveillance du marché après commercialisation ont été sensiblement renforcées. »[16].

Il convient de préciser que le droit national désigne l’ANSM en tant qu’autorité responsable des organismes notifiés, lesquels sont, en pratique, des sociétés habilitées à évaluer et délivrer le marquage CE nécessaire à la commercialisation des dispositifs médicaux. Le nouveau règlement élève le niveau d’exigence applicable à ces ON[17], tant lors de leur désignation initiale que lors de ré-évaluations périodiques. Ils doivent répondre à un cahier de charges plus strict en matière de compétence et sont soumis à de nouvelles obligations de procédures (visite inopinée chez les fabricants, contrôles de produits). La violation des obligations pourra faire l’objet de sanctions pénales et de sanctions financières prononcées par l’ANSM ou l’autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation de la répression des fraudes.

On peut espérer que cette nouvelle réglementation contribuera à réduire les accidents médicaux, en élevant la qualité des dispositifs médicaux, mais les patients victimes de produits de santé défectueux pourront toujours chercher à être indemnisés dans les conditions juridiques qui ont été définies par le droit européen, lequel est cependant plus restrictif que ne le souhaitaient le législateur et les juridictions de notre pays…

2./ L’évolution du droit de la responsabilité en cas de produits de santé défectueux, tels que les prothèses

Évidemment, s’est posée la question de savoir qui devait être tenu pour responsable des dommages subis par un patient du fait de produits de santé défectueux. Un principe simple pouvait être retenu : les praticiens et établissements de santé pouvaient être condamnés à indemniser les victimes mais ils pouvaient mettre en cause la responsabilité des fabricants, soit sur la base de leur responsabilité « contractuelle », sur le fondement de l’article du code civil aujourd’hui numéroté 1231-1 c. civ.[18] (anciennement 1147 c. civ.) , soit sur la base de leur responsabilité « extra-contractuelle» (dite aussi « délictuelle », mais pas au sens pénal), sur le fondement de l’article du code civil aujourd’hui numéroté 1240 c. civ.[19] (anciennement 1382 c. civ.), soit encore sur la base de la responsabilité « du fait des choses », sur le fondement de l’article du code civil aujourd’hui numéroté 1242 c. civ.[20] (anciennement 1384, al. 1er, c. civ.).

Cependant, comme elle l’avait fait dès 1965 en matière de médicament, la CEE est intervenue en 1985 par une directive relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres, dans le but de supprimer les disparités liées à la responsabilité des fabricants de produits de santé, en tant qu’elles étaient susceptibles de fausser la concurrence, d’affecter la libre circulation des marchandises au sein du marché commun et d’entraîner des différences dans le niveau de protection du consommateur contre les dommages causés à sa santé et à ses biens par un produit défectueux. C’est ainsi que la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985[21] a institué un régime de responsabilité sans faute des producteurs.

En France cependant, le législateur et les juridictions entendaient permettre aux victimes de produits défectueux de demander réparation non seulement aux producteurs mais aussi et dans les mêmes conditions aux fournisseurs professionnels (les chirurgiens par ex.). C’est une des raisons pour lesquelles la directive européenne, qui aurait dû être transposée avant le 30 juillet 1988, ne l’a été que dix ans plus tard, par la loi n°98-389 du 19 mai 1998[22], la France ayant été condamnée en 1993 par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect du délai fixé[23].

D’autre part, dans un arrêt Cass. 1re civ., 9 nov. 1999, n° 98-10.010[24], la première chambre civile de la Cour de cassation avait imposé au professionnel de santé une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne le matériel médical qu’il utilise pour l’exécution d’un acte d’investigation ou de soins. Cela signifiait donc qu’il devait indemniser la victime qui démontrait que le matériel défectueux était à l’origine de son dommage, le praticien pouvant se retourner ensuite contre le fabricant.

Mais, par deux arrêts de 2002 et 2006, la CJUE a sanctionné la France au motif que la législation française continuait à considérer le fournisseur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur lorsque ce dernier ne pouvait être identifié :

CJCE, 25 avril 2002, Commission c/ France, n° C-52/00  : « 1) — En incluant, dans l’article 1386-2 du code civil français, les dommages inférieurs à 500 euros ;— en considérant, à l’article 1386-7, premier alinéa, du même code, que le distributeur d’un produit défectueux est responsable dans tous les cas et au même titre que le producteur, et — en prévoyant, à l’article 1386-12, second alinéa, dudit code, que le producteur doit prouver qu’il a pris les dispositions propres à prévenir les conséquences d’un produit défectueux afin de pouvoir se prévaloir des causes d’exonération prévues à l’article 7, sous d) et e), de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des articles 9, premier alinéa, sous b), 3, paragraphe 3, et 7 de ladite directive. 2) La République française est condamnée aux dépens. »[25]

CJCE, 14 mars 2006, Commission c/ France, n° C-177/04 : «  1. En continuant à considérer le fournisseur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le fournisseur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui a fourni le produit, la République française n’a pas mis en oeuvre les mesures que comporte l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France (C-52/00), en ce qui concerne la transposition de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228 CE. ;  2. La République française est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes, sur le compte “Ressources propres de la Communauté européenne’’, une astreinte de 31 650 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour assurer l’exécution pleine et entière de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/ France, précité, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète dudit arrêt du 25 avril 2002. »[26]

Le législateur français a donc dû adopter les lois n° 2004-1343 du 9 décembre 2004[27] et n° 2006-406 du 5 avril 2006[28] qui ont limité la responsabilité du fournisseur au seul cas où le producteur ne peut être identifié et où le fournisseur n’a pas désigné son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de trois mois.

La législation transposant les règles européennes a été « codifiée ».

Ainsi, l’article L 1142-1 du code de la santé publique (CSP)[29] dispose que « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé […] ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. ».

Il faut consulter le code civil pour y trouver un chapitre relatif au droit de « la responsabilité du fait des produits défectueux » qui comprend les articles 1245 à 1245-7[30]. Il convient de retenir notamment les articles suivants : art. 1245 c. civ. , « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. » ; art. 1245-3 c. civ., un produit est défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre./ Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. /. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. » ; art. 1245-8 c.civ., « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. »  ; art. 1245-6 c. civ. : « Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu’il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. /. Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l’année suivant la date de sa citation en justice. ».

Ces dispositions ont été alors interprétées par la Cour de cassation et le Conseil d’État à l’occasion de multiples contentieux et les jurisprudences conduisent à distinguer les conditions d’application des textes au sein des hôpitaux publics et en médecine libérale (cliniques et praticiens libéraux)[31].

Ainsi, saisie par le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt CJUE, 21 déc. 2011, CHU de Besançon, aff. C-495/10[32], a jugé que « La responsabilité dun prestataire de services qui utilise, dans le cadre d’une prestation de services telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il nest pas le producteur au sens des dispositions de l’article 3 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, telle que modifiée par la directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation ne relève pas du champ dapplication de cette directive. Cette dernière ne soppose dès lors pas à ce quun État membre institue un régime, tel que celui en cause au principal, prévoyant la responsabilité dun tel prestataire à légard des dommages ainsi occasionnés, même en labsence de toute faute imputable à celui-ci, à condition, toutefois, que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci. ».

Le Conseil d’État a alors jugé, dans sa décision CE, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 12/03/2012, 327449, publiée au recueil Lebon[33], « qu’il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l’Union européenne que la directive du 25 juillet 1985 ne fait pas obstacle à l’application du principe selon lequel, sans préjudice des actions susceptibles d’être exercées à l’encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise ». Puis, dans sa décision CE, Section du Contentieux, 25 juill. 2013, n° 339922[34], la Haute juridiction administrative a réitéré le principe selon lequel il « résulte de l’interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l’Union européenne que la directive du 25 juillet 1985 ne fait pas obstacle à l’application du principe selon lequel, sans préjudice des actions susceptibles d’être exercées à l’encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise ; que ce principe trouve à s’appliquer lorsque le service public hospitalier implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d’un patient ; ».

L’hôpital peut se retourner contre le producteur et, en cas de contentieux, c’est la juridiction administrative qui est compétente dans le cas d’une action en garantie du centre hospitalier contre le producteur, comme l’a jugé le Tribunal des conflits, – compétent pour éviter les conflits d’attribution entre les deux ordres de juridictions -, dans son arrêt T. conflits, 11 avril 2016, Centre hospitalier de Chambéry, n° 4044, publié au recueil Lebon[35], dans les termes suivants : « Considérant que, si le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise, y compris lorsqu’il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d’un patient, il peut, lorsque sa responsabilité est recherchée par ce dernier sur ce fondement, exercer un recours en garantie à l’encontre du producteur ; /; Considérant que, selon l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs de sorte que les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence du juge administratif ; que constitue un tel litige, l’action en garantie engagée par le service public hospitalier à l’encontre d’un producteur auquel il est lié par un contrat administratif portant sur la fourniture de produits dont la défectuosité de l’un d’eux a été constatée et le contraint à indemniser le patient de ses conséquences dommageables ; que cette action peut être fondée sur les stipulations du contrat, sur les vices cachés du produit en application des articles 1641 à 1649 du code civil ou encore sur les règles issues de la directive précitée, telle qu’elle a été interprétée par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2011 Centre hospitalier de Besançon c. Dutrueux e. n° C-495/10 ».

Pour sa part, en se fondant sur les arrêts précités de 2002 et 2006 de la CJUE, la Cour de cassation a abandonné sa jurisprudence de 1999 et a donc abouti à une solution inverse de celle qui s’applique au sein des hôpitaux.

Ainsi, dans son arrêt Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, 11-17.510, Publié au bulletin[36], la 1ère chambre civile de la Haute juridiction judiciaire a jugé que la responsabilité des établissements de santé privés (cliniques), comme celle des professionnels de santé libéraux, ne peut être recherchée que pour faute lorsquils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical : « Vu l’article 1147 du code civil, ensemble les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil portant transposition de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 modifiée ; Attendu qu’en considération des objectifs et de l’économie de cette directive et de l’interprétation qu’en a donné la Cour de justice de l’Union européenne en énonçant que ladite directive déterminait celui qui devait assumer la responsabilité qu’elle instituait parmi les professionnels ayant participé aux processus de fabrication et de commercialisation et n’avait pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà des points qu’elle réglemente, la responsabilité des prestataires de services de soins, qui ne peuvent être assimilés à des distributeurs de produits ou dispositifs médicaux et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et techniques les plus appropriés à l’amélioration de leur état, ne relève pas, hormis le cas où ils en sont eux-mêmes les producteurs, du champ d’application de la directive et ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical, pourvu que soit préservée leur faculté et/ou celle de la victime de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci ; ».

Donc, sauf le cas où il est lui-même producteur, un praticien libéral ne peut voir sa responsabilité civile recherchée que sur le fondement du droit commun, c’est-à-dire pour faute, lorsqu’il a eu recours à des « produits de santé » qui se sont avérés défectueux.

La divergence de jurisprudence entre la responsabilité du service hospitalier et des médecins libéraux a été critiquée, notamment parce qu’elle est contraire à l’objectif d’harmonisation de la responsabilité médicale poursuivie par la loi du 4 mars 2002 (v. infra) et qu’elle rend plus difficile l’indemnisation des victimes qui ont été soignées dans le privé par rapport aux personnes prises en charge à l’hôpital. Mais, malgré ces objections, la Cour de cassation a confirmé plusieurs fois son revirement de jurisprudence.

Tout d’abord, dans son arrêt Cass. 1re civ., 14 nov. 2018, n° 17-27.980, dans une affaire où était mise en cause la responsabilité d’un médecin pour une vaccination contre l’hépatite B suspectée d’être à l’origine d’une leucodystrophie, la Cour a jugé que le demandeur devait nécessairement prouver que son dommage était imputable à une faute du praticien : l’arrêt de la cour d’appel avait retenu, « à bon droit, que, même lorsqu’ils ont recours à des produits de santé pour l’accomplissement d’un acte médical, les professionnels de santé n’engagent leur responsabilité qu’en cas de faute et qu’il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ; »[37].

Ensuite, dans l’arrêt Cass. civ. 1, 26 février 2020, 18-26.256, publié au bulletin, la Cour a jugé que « y compris lorsqu’elle est applicable à l’article L. 1142-1, alinéa 1, du code de la santé publique et hors du cas prévu par l’article 1386-7, devenu 1245-6 du code civil, la responsabilité des professionnels de santé et les établissements de santé privés au titre des produits de santé utilisés ou fournis nest engagée quen cas de faute » ; après avoir vérifiée que la rupture prématurée d’une prothèse de hanche, à l’origine d’un dommage, n’était « pas imputable au surpoids [du patient], qu’aucune erreur [n’avait] été commise dans le choix et la conception de la prothèse ni lors de sa pose et que le point de fracture se [situait] à la base, dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche, la cour d’appel a pu retenir que la prothèse de hanche « n’offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement sattendre et était défectueuse de sorte que se trouvait engagée la responsabilité de droit du producteur à l’égard du patient »[38].

Enfin, plus récemment encore, par son arrêt Cass., 1ere civ., 2 février 2022, n°20-15.526[39], la première chambre civile de la Cour de cassation a tenu pour responsable sans faute le producteur d’une prothèse défectueuse, au terme d’une procédure médico-judiciaire qui a duré seize ans, durée qui n’est pas, hélas, exceptionnelle. Ainsi, la Cour a confirmé la condamnation du fabricant pour la rupture de la tête fémorale d’une prothèse de hanche qui avait été posée le 23 février 2006. La mise en évidence de cette rupture avait été faite par une radiographie pratiquée le 28 décembre 2006. Le patient avait subi alors une intervention, le 4 janvier 2007, afin que soient retirés les débris de la tête en céramique et mise en place une nouvelle tête en métal. À l’issue de cette intervention, l’opéré a présenté plusieurs complications ayant nécessité des réinterventions et il a conservé des séquelles. À la suite de l’avis, après expertise, de la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) des accidents médicaux, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM) a indemnisé le patient de ses préjudices, puis exercé un recours contre la société productrice de la prothèse, la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) et la mutuelle concernées demandant également le remboursement de leurs débours.

Pour faire droit aux demandes en retenant la responsabilité du fabricant de la prothèse concernée, les juges du fond avaient retenu que le dommage était imputable à la rupture de la prothèse et, s’ils avaient constaté que les raisons de cette rupture étaient « difficiles à déterminer », ils ont considéré que la preuve d’une cause exogène n’était pas rapportée. Le fabricant de la prothèse a formé un recours en cassation au motif que la cour d’appel avait violé l’article 1245-8 c. civ. précité en inversant la charge de la preuve et en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, puisque la société a été tenue pour responsable de l’ensemble des dommages subis alors que les complications subies par le patient résultaient des opérations de reprise rendues nécessaires par plusieurs « accidents médicaux non fautifs » et notamment de l’étirement du nerf sciatique lors de l’opération du 10 janvier 2007, de l’infection contractée lors d’une des opérations et du non-respect par le chirurgien des consignes du fabricant dans le choix et le montage de la prothèse de remplacement.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du fabricant, en confirmant l’analyse des juges du fond, dans les termes suivants : « Après avoir écarté, en se fondant sur le rapport d’expertise, l’éventualité que la rupture de la prothèse soit imputable à un surpoids [du patient], à une chute ou un comportement inadapté de sa part ou encore à la technique opératoire et au matériel choisi, la cour d’appel a retenu que cette rupture était intervenue dans un très court délai après la pose de la prothèse. / Sans inverser la charge de la preuve et s’en tenir à la simple imputabilité du dommage à la rupture de la prothèse, elle a pu en déduire que celle-ci ne présentait pas la sécurité à laquelle le patient pouvait légitimement s’attendre et était défectueuse. » ; d’autre part, « Dès lors qu’elle a constaté que la rupture de la prothèse initiale était à l’origine non seulement de l’opération de reprise mais aussi de tous les actes chirurgicaux subséquents et des dommages successifs qui en ont résulté pour [le patient], la cour d’appel n’a pu qu’en déduire que la responsabilité des producteurs était engagée au titre de l’ensemble de ces dommages. ».

La Cour a ainsi confirmé certains aspects de sa jurisprudence car : 1° elle a consacré de longue date le principe de l’appréciation souveraine des juges du fond, qui peuvent se baser sur des présomptions graves, précises et concordantes[40] ; 2° même si la Cour d’appel a mentionné que les raisons de la rupture de la prothèse étaient « difficiles à déterminer », elle pouvait retenir la responsabilité du fabricant dès lors qu’elle avait d’abord écarté les autres causes possibles ci-dessus mentionnées (surpoids du patient, chute, comportement inadapté de sa part,  etc.), comme l’avait déjà jugé la Cour de cassation dans l’affaire précitée du 26 févr.2020 ; 3° la Cour de cassation a tenu compte du fait que les juges du fond avaient relevé que la rupture de la prothèse « était intervenue dans un très court délai après la pose de la prothèse », de même qu’en 2020 elle avait mentionné « la rupture prématurée de la prothèse ».

Cette affaire conclue en 2022 illustre bien la jurisprudence de la Cour de cassation concernant les conditions dans lesquelles un producteur peut être condamné pour un produit de santé défectueux, tandis que le fournisseur, professionnel de santé, ne le sera pas. Mais le droit de « la responsabilité du fait des produits défectueux » doit être étudié de façon plus approfondie encore car il pourrait, s’il était un peu aménagé, répondre aux questions juridiques nouvelles que pose l’utilisation de l’intelligence artificielle en chirurgie et médecine interventionnelle…

3./ L’utilisation des bases de données de santé et de l’intelligence artificielle en chirurgie et médecine interventionnelle[41]

 L’utilisation de la robotique et de l’informatique dans le domaine de la santé conduit à remettre en question la frontière entre la chirurgie et la médecine en donnant naissance à la médecine interventionnelle, « ce terme vague, consacré par l’usage, recouvrant l’ensemble des actes médicaux invasifs ayant pour but le diagnostic et/ou le traitement d’une pathologie réalisés sous guidage et contrôle d’un moyen d’imagerie, selon la définition proposée par la Société française de radiologie et la Fédération de radiologie interventionnelle », comme le rappelle le Dr Gérard Morvan, en ajoutant que, « théoriquement, en chirurgie, l’opérateur voit directement (ou par l’intermédiaire d’un instrument d’optique) la pathologie qu’il traite et les outils qu’il utilise pour cela » tandis qu’« en “interventionnel’’ il ne voit ni la lésion, ni les outils, mais se guide sur les images indirectes qu’en donne un appareil d’imagerie : radioscopie, scanner, échographie, IRM… Cette pratique concerne différentes spécialités : radiologie, cardiologie, neurologie, urologie, gastro-entérologie, gynécologie-obstétrique, pneumologie. »[42]. Évidemment, cette évolution fait naître des difficultés dans l’organisation des soins (du fait de la remise en cause de la séparation entre services) et leur financement (le codage des actes remboursables par l’assurance maladie).

Mais aujourd’hui c’est l’usage de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la santé qui crée de nouvelles difficultés organisationnelles et juridiques : d’une part, il rend nécessaire la constitution de base de données de masse et le chaînage des informations, ce qui est techniquement difficile à réaliser dans des conditions de sécurité maximales ; d’autre part, il crée des problèmes inédits de responsabilité.

3.1. / Les progrès nécessaires à la réalisation d’études obtenues par le chaînage des données de santé

Comme le Conseil national de l’Ordre des médecins l’a bien résumé, il n’y a « Pas d’IA sans big data »[43] : le CNOM cite opportunément le Conseil national du numérique qui affirme que « la valeur créée par l’intelligence artificielle provient des données nécessaires à l’apprentissage bien plus que de l’algorithme, dont les développements se font de manière ouverte (en open source) »[44].

Et c’est précisément dans le but de traiter des données de santé de masse pour les rendre utiles aux praticiens aussi et à l’amélioration de l’efficience du système de santé que la loi du 26 janvier 2016 a créé le système national des données de santé (SNDS), lequel a été élargi par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé[45], avec la mise en place d’une plateforme des données de santé (PDS), ou Health Data Hub (HDH), sous forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) dont les objectifs sont précisés par l’article L. 1462-1 du code de la santé publique (CSP)[46].

Le SNDS est un entrepôt de données médico-administratives pseudonymisées couvrant l’ensemble de la population française et contenant l’ensemble des soins présentés au remboursement. Il permet de croiser les données de l’assurance maladie (base SNIIRAM[47]), les données des hôpitaux (base PMSI[48]), les causes médicales de décès (base du CépiDC[49] de l’Inserm), les données relatives au handicap (données de la CNSA[50]), et d’autres données à venir.

Dans son étude parue en 2018 sous l’intitulé « Comment la base SNIIRAM-PMSI permet l’étude des pratiques en chirurgie »[51], le chirurgien Bertrand Lukas soulignait « les avantages de la base SNIIRAM-PMSI » en tant qu’« elle permet l’analyse du parcours de soins », en chaînant les informations, de sorte que cette base pourrait devenir « un outil central d’étude de l’efficience des prises en charge thérapeutique », en remettant en cause le mode de financement actuel, qui est « aveugle » car « il rembourse toutes les hospitalisations ou tous les actes réalisés sans savoir s’ils étaient ou non pertinents et justifiés, avec les effets pervers connus que cela engendre ». Cependant, Bertrand Lukas regrettait « une anomalie majeure empêchant totalement d’étudier l’efficience des nouveaux actes de chirurgie », pour la raison suivante : « quand un nouvel acte chirurgical apparaît en France après avoir reçu le marquage CEE, il faut attendre plusieurs années, quelquefois plus de dix ans, avant de disposer d’un code descriptif spécifique » ce qui est le cas de la chirurgie robot assistée, de sorte qu’il est impossible « d’organiser la traçabilité de la diffusion de ces nouvelles techniques », alors qu’étant nouvelles elles devraient « au contraire faire l’objet d’une traçabilités renforcée ». Et le radiologue de reprendre la préconisation d’un rapport qui « insistait sur la nécessité de découpler la maintenance descriptive de la nouvelle nomenclature chirurgicale [..] de la maintenance tarifaire » ; il serait possible et indispensable comme cela est techniquement possible « de créer des codes descriptifs précis, non tarifant, dès larrivée dune nouvelle technique chirurgicale en France ».

Sur le sujet, nous devons au Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syngof, syndicat des obstétriciens, les informations suivantes[52] : depuis 2018, sont apparus dans la CCAM[53] de la gynéco-obstétrique deux codes « descriptifs » nouveaux « qui concernent des techniques qui, si elles ne sont pas nouvelles, puisqu’elles sont apparues au début des années 2000, ne sont toujours pas validées dans leurs indications après 22 ans d’utilisation libre et non financées spécifiquement par l’assurance maladie. Il s’agit des chirurgies pelviennes avec assistance par robot (dont on peine à mesurer l’apport sur la santé des femmes opérées) et de la chirurgie du prolapsus génital avec utilisation de prothèses par voie vaginale (20 ans d’essais internationaux dépendants de l’industrie, condamnations en cascade aux USA, en Australie et en GB où elles ont été abandonnées et récemment l’objet d’un débat public en France mettant en exergue leur potentiel de dangerosité et d’une condamnation médiatique de leurs inventeurs français) ». D’autres techniques apparaissent dans le domaine de l’obstétrique, « mais la volonté de les décrire avant que de les financer n’apparait toujours pas comme une procédure nécessaire à la juste connaissance de ces nouvelles techniques. L’assurance maladie, qui pourrait être pourtant source d’informations grâce aux bases de données qu’elle gère, ne se saisit de rien tant que la HAS ne lui soumet pas un rapport, le plus souvent bibliographique qui établit l’intérêt d’une nouvelle technique, pour en étudier l’introduction ou non dans la nomenclature des actes médicaux. En conséquence, c’est sur des résultats scientifiques issus de seuls hôpitaux publics et des autres pays que les décisions sont prises. Ainsi, alors même que l’essentiel de la chirurgie est réalisée dans le privé, cette activité n’est pas évaluée. En dehors de la perte d’informations pertinentes, cette situation favorise l’errance thérapeutique. L’affaire des prothèses vaginales illustre très bien ce phénomène qui a abouti à ce qu’une génération complète de chirurgiens gynécologues formés entre 2000 et 2020 n’a appris qu’à poser des prothèses aujourd’hui interdites et pas à réparer les prolapsus par les techniques existantes et qui n’ont plus été enseignées qu’à la marge. Dans son programme électoral en 2021, Le Bloc, syndicat qui regroupe toutes les spécialistes des plateaux techniques (chirurgiens, obstétriciens, anesthésistes), a proposé l’élaboration d’une révision permanente de la nomenclature pour nettoyer au fil de l’eau ce qui ne se fait plus, évaluer les techniques innovantes et valider celles qui ont fait leurs preuves. L’introduction systématique du traçage des activités réalisées dans les bases de données SNIR et CIM 10[54] en est un des aspects ».

Si les bases de données qui doivent être gérées par la PDS ne sont donc pas encore utilisées de façon optimale pour le financement des soins, des problèmes sont nés lorsque les pouvoirs publics ont voulu mettre en oeuvre la PDS de façon anticipée, pour améliorer les connaissances sur la covid-19, en choisissant les produits Microsoft Azure (hébergement de données de santé, logiciels de traitement de ces données), alors, d’une part, que la société Microsoft est soumise à la législation américaine – loi fédérale américaine du 23 mars 2018, le « Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act » ou CLOUD Act – qui permet aux forces de l’ordre et agences de renseignements américaines de demander aux multinationales américaines de rapatrier les données en leur possession pour la protection de l’ordre public, et, d’autre part, que la Cour de justice de l’Union européenne, dans ses arrêts CJUE, 6 octobre 2015, aff. C-362/14[55] dit Schrems I, et Cour de justice de l’Union européenne, 16 juillet 2020, DPC c. Facebook Ireland Ltd et M. Schrems, affaire C-311/18, dit Schrems II[56], a considéré que les États-Unis n’offrent pas un niveau de protection adéquat aux données personnelles transférées.

Finalement, dans une ordonnance du 13 octobre 2020[57], le Conseil d’État a reconnu un risque de transfert de données vers les États-Unis mais, en raison de l’intérêt public qui s’attachait au maintien d’un outil de gestion de données – en particulier dans le contexte de la crise sanitaire – il a estimé que le maintien du contrat avec Microsoft, à condition qu’il soit entouré de garanties supplémentaires, n’était pas illégal, sachant qu’un avenant obligeait l’entreprise américaine à recevoir l’aval du Health Data Hub pour tout transfert de données « en dehors de la zone géographique spécifiée » : dans ces conditions, pour la Haute juridiction administrative, il existait « un intérêt public important à permettre la poursuite de l’utilisation des données de santé pour les besoins de la gestion de l’urgence sanitaire et de l’amélioration des connaissances sur le SARS-CoV-2 et, à cette fin, de permettre le recours aux moyens techniques, sans équivalent à ce jour, dont dispose la Plateforme des données de santé par le biais du contrat passé avec Microsoft, sous réserve, pour chaque projet, ainsi qu’il découle de l’arrêté du 10 juillet 2020, que ce recours, et le stockage des données qu’il implique, soit une mesure proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu, compte tenu, tout à la fois, de l’urgence s’attachant à sa conduite et de l’absence de solution technique alternative satisfaisante permettant d’y procéder dans les délais utiles. ».

Malgré cette décision favorable du Conseil d’État, sous la pression d’associations inquiètes pour la protection de la vie privée des patients le gouvernement a souhaité un changement d’hébergeur. Dans une lettre de novembre 2020, le ministre de la santé Olivier Véran expliquait vouloir trouver « une nouvelle solution technique » dans un « délai qui soit autant que possible compris entre 12 et 18 mois ». Le le 7 janvier 2022, le GIP-Health Data Hub a fait savoir qu’il avait « retiré temporairement sa demande d’autorisation pour héberger la base principale du système national des données de santé (SNDS) et les bases du catalogue dans la plateforme technologique »  auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Le Health Data Hub continue de fonctionner en mettant « à disposition les données aux projets autorisés, un par un ».

3.2./ La question du droit de la responsabilité des praticiens de santé utilisateurs de l’IA

 En reprenant les termes d’une recommandation sur l’IA adoptée par le Conseil de l’OCDE le 22 mai 2019[58], on peut définir « un système d’intelligence artificielle (ou système d’IA) » comme « un système automatisé qui, pour un ensemble donné d’objectifs définis par l’homme, est en mesure d’établir des prévisions, de formuler des recommandations, ou de prendre des décisions influant sur des environnements réels ou virtuels. » sachant que « les systèmes d’IA sont conçus pour fonctionner à des degrés d’autonomie divers » et c’est cela le plus important.

En effet, à côté des systèmes statistiques et des systèmes logiques, dits également symboliques ou déterministes ou « systèmes experts », algorithmes d’aide à la décision qui suivent une trame logique prédéfinie pour parvenir à un résultat[59], sont apparus des systèmes « auto-apprenants » ou « machine learning » ou encore « algorithmes d’apprentissage », qui ne répondent pas à une suite d’instructions codées mais qui améliorent leurs performances à partir des données qui leur sont fournies.

Cette évolution devrait permettre d’améliorer les soins et de réduire les risques d’accidents. La CNIL a donné l’exemple de Watson d’IBM qui « est une IA qui analyse les données génétiques des patients, les informations recueillies lors de leur admission, leur historique médical et les compare avec 20 millions de données issues d’études d’oncologie clinique dans le but d’établir un diagnostic et de proposer un traitement. L’école de médecine de l’Université de Caroline du Nord a ainsi conduit en octobre 2016 une expérience montrant que les préconisations de Watson recoupaient les traitements prescrits par les cancérologues dans 99 % des 1000 cas de cancer étudiés. Cette expérience a aussi démontré que dans 30 % des cas, Watson était à même de proposer davantage d’options thérapeutiques que les médecins »[60].

En chirurgie et médecine interventionnelle, les techniques d’IA peuvent rendre les robots plus fiables mais il se peut aussi qu’elles génèrent aussi des dommages du fait d’erreurs commises dans la collecte des données ou dans leur traitement par l’algorithme.

Il existe ainsi des risques de « biais » qui peuvent avoir une effet discriminatoire : comme le rapporte un document de la CNIL, « à l’occasion du débat organisé le 24 juin 2017 par le Génotoul (Toulouse), Philippe Besse, Professeur de mathématiques et de statistique à l’Université de Toulouse a souligné que nous ne sommes pas tous égaux devant la médecine personnalisée, car les bases de données utilisées à l’heure actuelle sont largement biaisées : une étude a révélée qu’en 2009, 96 % des échantillons de ces bases ont des ancêtres européens (la démonstration porte sur 1,5 million d’échantillons). D’autres sources de biais sont l’âge (car toutes ces bases de données sont largement occupées par des personnes relativement âgées) et le genre, plusieurs publications récentes insistant sur l’importance de l’effet du genre sur le développement des maladies concernées. Dans ces bases, le chromosome X est largement sous représenté et le Y est quasiment absent. Philippe Besse conclut ainsi : “si vous êtes une femme d’origine africaine et jeune, je ne pense pas que la médecine personnalisée vous concerne’’ »[61].

De plus, puisqu’un système d’IA est conçu pour évoluer en auto-apprenant, il devient « une boite noire » : « Il existe aujourd’hui des IA dont les apprentissages conduisent à des résultats qui sont incompréhensibles autant pour ceux à qui ils sont proposés, que pour les concepteurs du système »[62].

De surcroît, dans le domaine de la santé le résultat de l’application d’un système d’IA est parfois difficile à interpréter, un échec thérapeutique n’étant pas la preuve d’un défaut du système par rapport aux techniques de soins habituelles : « L’algorithme d’apprentissage n’est pas nécessairement défectueux s’il est démontré qu’un humain placé dans la même situation aurait lui aussi causé un dommage. Imaginons qu’un système d’IA utilisé en médecine cause un dommage à un patient en se trompant sur la pathologie détectée. Supposons néanmoins que ce système d’IA détecte dans 9 cas sur 10 la pathologie en cause, tandis qu’un médecin lui ne la détecterait que dans 7 cas sur 10. Pourrait-on considérer que ce système d’IA qui connaît un taux d’erreur dommageable de 10 % est défectueux alors qu’il produit de meilleurs résultats que des experts humains ? »[63].

Autrement dit, en cas de mise en cause pour une faute qu’il aurait commise en utilisant un système d’IA, un médecin peut démontrer que celui-ci a un taux de succès dans la détection des pathologies et la détermination des traitements supérieur au taux d’échec, de sorte que le dommage avéré ne résulte pas nécessairement d’un défaut de l’IA au regard de ce qu’aurait fait un médecin placé dans la même situation et qui n’aurait pas eu recours à l’IA, sachant que, de jurisprudence constante, les professionnels de santé ne sont tenus qu’à « une obligation de moyens » :

Pour garantir une certaine « transparence » sur l’usage de l’IA en matière de santé, le législateur français a consacré le principe dit « de la garantie humaine »[67]. Ainsi, la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, précitée, a créé un nouvel article L.4001-3 dans le Code de la santé publique, qui dispose :

« I.-Le professionnel de santé qui décide d’utiliser, pour un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, un dispositif médical comportant un traitement de données algorithmique dont l’apprentissage a été réalisé à partir de données massives s’assure que la personne concernée en a été informée et qu’elle est, le cas échéant, avertie de l’interprétation qui en résulte.
II.-Les professionnels de santé concernés sont informés du recours à ce traitement de données. Les données du patient utilisées dans ce traitement et les résultats qui en sont issus leur sont accessibles.
III.-Les concepteurs d’un traitement algorithmique mentionné au I s’assurent de l’explicabilité de son fonctionnement pour les utilisateurs.
IV.-Un arrêté du ministre chargé de la santé établit, après avis de la Haute Autorité de santé et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la nature des dispositifs médicaux mentionnés au I et leurs modalités d’utilisation »[68].

Un praticien doit donc informer ses patients de son intention d’utiliser un système d’IA exploitant des « données massives », ce qui doit permettre à ces patients de décider s’ils acceptent ou non le recours à ce procédé de soins, puisque l’art. 1111-4 CSP a consacré le principe selon lequel « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. /. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. […] »[69].

Sans entrer dans le détail de la jurisprudence concernant l’obligation d’information des patients par les praticiens, il convient de rappeler un principe particulièrement important en cas de contentieux : cest au professionnel de santé de faire la preuve quil a bien informé le patient (art. L 1111-2 CSP), notamment « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles quils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »[70].

Et désormais donc, en application de l’article L.4001-3 CSP précité, pour qu’ils puissent donner à leurs patients toutes les informations véritablement utiles à leur prise de décision quant à l’utilisation d’un système d’IA traitant des données de masse, les praticiens doivent avoir reçu eux-mêmes des concepteurs de ce système toutes les explications sur le fonctionnement du traitement algorithmique. Le manquement du producteur a cette obligation est susceptible d’engager sa responsabilité si le praticien a été ainsi privé d’une information qui lui aurait permis d’éviter la réalisation un dommage lors de l’emploi du système d’IA.

Concernant la réglementation européenne, après avoir renforcé la protection des données personnelles avec le règlement UE 2016/679 du Parlement et du Conseil du 27 avril 2016, « relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données », dit RGPD, les institutions de l’UE ont choisi d’intervenir dans le but d’harmoniser les règles nationales autour de quelques grands principes pour protéger les personnes contre les dangers de l’IA, dans tous les domaines où elle est utilisée.

Une résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenait des recommandations sur les « règles de droit civil en matière de robotique » et proposait « la création, à terme, d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour quau moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenus de réparer tout dommage causé à un tiers ». Mais, dans son avis rendu le 31 mai 2017, le Comité économique et social européen (CESE) a critiqué cette proposition pour de très bonnes raisons, de même que la plupart des juristes français : une responsabilité du robot impliquerait de lui créer un patrimoine pour qu’il puisse indemniser les victimes et il faudrait alors déterminer sur qui reposerait cette obligation et jusqu’à quel montant. Comme c’est le producteur qui, logiquement, devrait constituer le patrimoine du robot, pourquoi passer par l’attribution d’une personnalité juridique à une chose ? Dans le cas où un autre que le producteur doterait le robot de son patrimoine, le fabricant ne serait pas enclin à prendre le maximum de précaution pour éviter leurs erreurs sources de dommages. La proposition devait donc être écartée.

Par la suite, après notamment la publication par la Commission le 19 février 2020 d’un livre blanc sur l’IA[71] et d’un rapport sur le cadre de sécurité et de responsabilité[72] de l’IA, le Parlement a adopté une résolution le 20 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission sur un régime de responsabilité civile pour l’intelligence artificielle [2020/2014(INL)]. Il était notamment recommandé de consacrer un régime de responsabilité sans faute mais avec des montants maximaux dindemnisation pour les systèmes d’IA à hauts risques, alors que pour les autres systèmes serait consacré un régime de responsabilité pour faute mais avec réparation intégrale des dommages. Cette distinction  devrait être rejetée elle aussi car elle aboutirait à ce que des victimes soient moins bien indemnisées pour un dommage généré par un système d’IA à hauts risques (indemnisation plafonnées, en contrepartie du fait que la victime n’aurait pas à démontrer la faute du producteur) que pour un dommage né d’un système à faible risque (indemnisation complète si la victime du dommage parvient à démontrer la faute).

Le 21 avril 2021, la Commission Européenne a présenté une proposition de règlement sur l’intelligence artificielle[73], également appelé Artificial Intelligence Act. Conçu sur la base de l’article 114 TFUE précité, combiné avec l’article 16 TFUE pour la protection des données[74], ce texte n’aborde pas les questions d’indemnisation mais propose un régime juridique distinct selon les risques engendrés par un système d’intelligence artificielle : les systèmes présentant un risque inacceptable seraient interdits par principe[75] ; les systèmes à hauts risques seraient soumis à des obligations particulières et notamment au contrôle par une autorité nationale ; les services d’intelligence artificielle à risque faible ou limité, tels que les chatbots, seraient peu encadrés. Ce système est critiquable en tant notamment qu’il aboutit à faire apprécier les risques par les opérateurs eux-mêmes alors que ceux-ci n’ont pas nécessairement de compétences en matière de connaissance des droits fondamentaux. La distinction selon des systèmes selon les risques qu’ils portent pourrait conduire à retenir un régime juridique de responsabilité différenciée comme le proposait la résolution du Parlement de 2020, ce qui serait regrettable pour les raisons indiquées, alors que d’autres solutions devraient s’imposer.

Comme nous l’avons rappelé supra, il existe une réglementation européenne sur la responsabilité des fabricants de produits défectueux, transposée en droit français à partir de la loi du 19 mai 1988. Son application au cas de l’IA serait opportune sous la seule réserve de quelques aménagements.

En effet, comme l’a consacré l’article 1245-10 du code civil en application de la directive européenne précitée du 25 juillet 1985, le producteur mis en cause peut s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve « que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut »[76]. Ainsi, le principe de l’exonération pour « risque de développement du produit », selon la formule consacrée, serait susceptible d’assurer au producteur de système d’IA une exonération quasi-automatique tant ces systèmes sont évolutifs.

De surcroît, l’action en responsabilité du fait des produits défectueux est enfermée dans un double délai, au risque de porter atteinte à l’effectivité des actions en indemnisation des victimes : 1° dix ans à compter de la mise en circulation du produit, en application de l’article 1245-15 c. civ., aux termes duquel, « Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci […] est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n’ait engagé une action en justice. »[77] ; trois ans à compter de la date à laquelle la victime aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut ou de l’identité du producteur, en application de l’article 1245-16 qui dispose : « L’action en réparation fondée sur les dispositions du présent chapitre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. »[78].

Du fait du caractère intrinsèquement évolutif des systèmes d’IA auto-apprenants, il serait souhaitable d’allonger le délai d’action en réparation et de supprimer la cause d’exonération du producteur pour risque de développement, mais aussi d’imposer à ces systèmes « de se confronter à des tests à l’image des tests cliniques qui précèdent la mise sur le marché d’un médicament. La preuve de ces tests n’exonérerait pas le producteur de sa responsabilité objective. Simplement, au stade de la fixation des dommages, le juge pourrait limiter le montant à verser en démontrant qu’il a eu une attitude diligente »[79].

En pratique, ce ne seront pas les producteurs eux-mêmes qui prendront en charge les indemnisations mais leurs assurances, de même, qu’en principe, les professionnels et établissements de santé sont couverts par des assurances privées. Cependant, concernant ces derniers, il convient de souligner le caractère critiquable de l’évolution, depuis vingt ans, du rôle des assurances dans la prévention et la couverture des risques médico-chirurgicaux (v. synthèse n°4).

 

REFERENCES

[1] Rémi Pellet, « L’Europe et la Santé » in Jean de Kervasdoué (dir.) Le Carnet de santé de la France, Dossier Comparaisons internationales, Dunod, 2009, p. 46

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000006125349?etatTexte=VIGUEUR&anchor=LEGISCTA000006125349#LEGISCTA000006125349

[3] Valérie Lasserre, « Quels risques et quelles responsabilités juridiques liés à l’artificialisation du corps ? », Arch. phil. droit, n° 59, 2017, p. 99-123

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000334007

[5] https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1993L0042:20071011:FR:PDF

[6] https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1998L0079:20090807:FR:PDF

[7] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000515246

[8] Jérôme Peigné, « La notion de dispositif médical issue du règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017 », RDSS, 2018, p. 5 et s. L’auteur rappelle opportunément que « tous les logiciels utilisés dans un environnement médical par un professionnel de santé ou au sein d’un établissement de santé ne sont pas des dispositifs médicaux » : pour qu’ils soient considérés comme tels, il faut qu’ils aient « une des fonctions spécifiques énumérées dans le règlement. Il peut s’agir du diagnostic, de la prévention, du contrôle, de la prédiction, du pronostic, du traitement ou de l’atténuation d’une maladie ».

[9] Défectueuses à cause de la présence d’un gel artisanal non-conforme à la place du gel de silicone traditionnel américain Nusil.

[10] Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée dans le JO Sénat du 31/01/2013, page 329, en ligne : https://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ120700435.html

[11] https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12012E/TXT:fr:PDF

[12] Article 114 TFUE : « 1. […] Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformé­ment à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et admi­nistratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. […] 3. La Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil s’efforcent également d’atteindre cet objectif. » ; Article 168 : « 1. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. […] » ; 4. Par dérogation à l’article 2, paragraphe 5, et à l’article 6, point a), et conformément à l’article 4, paragraphe 2, point k), le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, contribuent à la réalisation des objectifs visés au présent article en adoptant, afin de faire face aux enjeux communs de sécurité : […] c)  des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des médicaments et des dispositifs à usage médical. »

[13] Jérôme Peigné, « Le nouveau cadre juridique des dispositifs médicaux », RDSS, 2018 p.3 et s.

[14] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384/

[15] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045614779

[16] ANSM : « Entrée en application du nouveau règlement européen relatif aux dispositifs médicaux », 18 juin 2021, en ligne : https://ansm.sante.fr/actualites/entree-en-application-du-nouveau-reglement-europeen-relatif-aux-dispositifs-medicaux

[17] Cécile Le Gal Fontes et Marie Chanet, « Le rôle et les conditions de surveillance des organismes notifiés : une réforme tant attendue… », RDSS, 2018 p.34 et s.

[18] art. 1231-1 c.  civ. : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. » : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000032009929?etatTexte=VIGUEUR&anchor=LEGIARTI000032010123#LEGIARTI000032010123

[19] art. 1240 c. civ. : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » ; https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032041571?etatTexte=VIGUEUR

[20] art 1242 c. civ : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. […] » ; https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032041559?etatTexte=VIGUEUR

[21] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO L 210 du 7.8.1985, p. 29-33) ; https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000888209/

[22] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000205903

[23] CJUE, 13 janvier 1993, Commission c/ France, aff. C-293/91, Rec. I-00001 ; https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:1f55270f-ca36-47d0-8237-17ab093767ed.0001.03/DOC_1&format=PDF

[24] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007042137/

[25] En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62000CJ0052&from=FR

[26] En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=ecli:ECLI%3AEU%3AC%3A2006%3A173

[27] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000256180/

[28] Loi n° 2006-406 du 5 avril 2006 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux, en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000607494

[29] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020628252

[30] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000032021490/#LEGISCTA000032021490

[31] Pour le détail de ces jurisprudences avant 2020, v. le remarquable traité de Mme Domitille Duval-Arnoud, conseillère à la Cour de cassation : Droit de la santé, 2019-2020, Dalloz, août 2019, « Dommages liés à un produit de santé », pp. 973-1042

[32] En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62010CJ0495&from=FR

[33] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000025562588

[34] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000027752936/

[35] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000032405402/

[36] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026182055/

[37] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037644579

[38] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041701633/

[39] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045133407?page=1&pageSize=10&query=INFECTION+NOSOCOMIALE&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT

[40] v. à propos de sclérose en plaques apparue après la vaccination contre l’hépatite B : Cass. 1re civ., 18 oct. 2017, n° 15-20.791 : « attendu qu’aux termes de l’article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, transposant l’article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que, dès lors, il lui incombe d’établir, outre que le dommage est imputable au produit incriminé, que celui-ci est défectueux ; que cette preuve peut être rapportée par des présomptions pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ; qu’il appartient aux juges du fond ayant, au vu des éléments de preuve apportés par la victime d’un dommage, estimé qu’il existait de telles présomptions que le dommage soit imputable au produit de santé administré à celle-ci, d’apprécier si ces mêmes éléments de preuve permettent de considérer le produit comme défectueux » ; https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035851261/

[41] Nous résumons notre contribution à l’article écrit avec un jeune médecin de santé publique : Pr Rémi Pellet et Dr Bruno Ramdjee, « Intelligence artificielle et santé », communication au colloque de l’Université de L’Aquila (Italie), Intelligenza Artificiale e Tutela dei Diritti Fondamentalile, 11 mai 2022, à paraître dans les actes du colloque.

[42] Gérard Morvan, « Interventionnel et chirurgie : opposition, cohabitation ou complicité ? », Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, Elsevier Masson SAS, Volume 205, Issue 3, March 2021, pp. 275-276, en ligne : https://www.em-consulte.com/article/1429578/article/interventionnel-et-chirurgie%C2%A0-opposition-cohabitat

[43] Conseil national de l’Ordre des médecins, Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle, janvier 2018, p. 12

[44] Stratégie nationale en IA, Groupe de travail France stratégie, mars 2017

[45] Article 41 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

[46] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000031923947?etatTexte=VIGUEUR&anchor=LEGIARTI000038886833#LEGIARTI000038886833

[47] Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie

[48] Programme de médicalisation des systèmes d’information (appliqué dans les établissements de santé)

[49] Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès

[50] Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

[51] Bertrand Lukacs, « Comment la base SNIIRAM-PMSI permet l’étude des pratiques en chirurgie » in Bertrand Nordlinger et Cédric Villani (dir.), Santé et intelligence artificielle, Paris, CNRS éditions, pp. 85-92

[52] Échanges de mail du 24 août 2022

[53] Classification commune des actes médicaux

[54] Classification internationale des maladies (CIM), est proposée et recommandée par l’OMS, son numéro indique la dixième révision

[55] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62014CJ0362&from=FR

[56] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62018CJ0311&from=FR

[57] En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042444915

[58] En ligne : https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0449?_ga=2.19182968.1116497146.1661697280-1142131158.1661697279

[59] Tel le programme MYCIN, utilisé en médecine dans les années 1975, grâce auquel les médecins devaient être aidés à identifier les infections aiguës

[60] CNIL, Synthèse concertation citoyenne sur les enjeux éthiques liés aux algorithmes – Montpellier – 14 oct. 2017, p. 20, en ligne : https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/cr_concertation_citoyenne_algorithmes.pdf

[61] CNIL, « Comment permettre à l’homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle », déc. 2017, p. 33, en ligne : https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/cnil_rapport_garder_la_main_web.pdf

[62] CNIL, « Synthèse concertation citoyenne sur les enjeux éthiques liés aux algorithmes », op. cit., p. 21

[63] Bruno Deffains et Godefroy de Montcuit, « Proposition d’un régime de responsabilité objective applicable au dommage causé par une machine auto-apprenante », RTD Civ., 2022 p.257 et s

[64] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007050651/

[65] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007034448/

[66] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007041301/

[67] David Gruson, « Régulation positive de l’intelligence artificielle en santé : les avances de la garantie humaine algorithmique », Dalloz IP/IT, 2020, p. 165 et s.

[68] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043890272

[69] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041721056/

[70] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031927568/2020-07-03/

[71] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/commission-white-paper-artificial-intelligence-feb2020_fr.pdf

[72] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/report-safety-liability-artificial-intelligence-feb2020_en_1.pdf

[73] https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/proposal-regulation-laying-down-harmonised-rules-artificial-intelligence

[74] Art. 16 TFUE : « 1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. /. 2. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, fixent les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union, ainsi que par les États membres dans l’exercice d’activités qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union, et à la libre circulation de ces données. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d’autorités indépen­dantes. /. 3. Les règles adoptées sur la base du présent article sont sans préjudice des règles spécifiques prévues à l’article 39 du traité sur l’Union européenne. »

[75] tels que les systèmes de notation généralisée des populations, comme « système de crédit social » mis en place en Chine

[76] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032023647/2022-08-27

[77] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032023657/2022-08-27

[78] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032023659/2022-08-27

[79] Bruno Deffains et Godefroy de Montcuit, op. cit.

Témoignages

1er TEMOIGNAGE Dr D
Affaire « Docteur D. »

Le choix de l’utilisation des forceps plutôt que celui d’une césarienne est-il à l’origine du handicap de l’enfant qu’il a mis au monde ? Témoignage du Docteur D, jugé responsable de ce handicap et qui se trouve lui aussi en défaut de couverture assurancielle, alors qu’il avait payé régulièrement la prime d’assurance.

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2eme TEMOIGNAGE Dr J
Affaire « Docteur J. »

A 71 ans le Docteur J. est toujours en activité. Il a été jugé responsable du handicap et ses assureurs refusent la couverture de l’indemnisation au-delà d’un plafond.

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3eme TEMOIGNAGE Dr F
Affaire « Docteur F. »

Témoignage de la fille du Docteur F : plusieurs années après le décès de son père obstétricien, Madame F se voit réclamer 8 millions d’euros pour l’indemnisation d’un enfant né handicapé dont l’accouchement avait été pris en charge par son père.

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Interviews

FAVRIN INTERVIEW
Interview Dr. Favrin

Serge Favrin présente les activités de GYNERISQ (organisme de gestion du risque en gynécologie-obstétrique) dont il a été le président : expertise collégiale sur les problèmes obstétricaux, amélioration des pratiques professionnelles.

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MARTY INTERVIEW
Interview Dr. Marty

Jean Marty, ancien président du syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF) a lancé l’alerte à partir de 2002, dans les suites de l’affaire Perruche, sur les « trous de garanties » dans les contrats d’assurance responsabilité civile des praticiens.

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ROCHAMBEAU INTERVIEW
Interiew Dr. Rochambeau

Actuel président du SYNGOF, Bertrand de Rochambeau fait le point sur les « trous de garantie » qui perdurent en 2021 malgré la création d’un fonds de garantie des accidents médicaux (FAPDS) censé régler le problème.

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Documents de synthèse

Éléments juridiques